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 Réouvrir la route du pardon inconditionnel ...

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coeurtendre

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MessageSujet: Réouvrir la route du pardon inconditionnel ...   Réouvrir la route du pardon inconditionnel ... EmptyJeu 12 Juil - 0:56

Le pardon des martyrs du XXe siecle

Réouvrir la route du pardon inconditionnel ... Rance

Diacre Didier Rance

Le 27 juin 2001, à Lviv, Jean Paul II a qualifié le XXe siècle de "siècle du martyre". Il a tout à fait raison et ce n'est certes pas moi qui vais le contredire, ayant publié plus d'une douzaine de livres sur le sujet, mais… je me demande si les historiens n'appelleront pas aussi ce siècle le siècle du pardon des martyrs. D'ailleurs ce n'est certes pas Jean Paul II qui le contredirait : juste une phrase avant de faire cette proclamation sur le XXe siècle que je viens d'évoquer, il disait, à propos des martyrs : « Soutenus par la grâce de Dieu, ils ont parcouru jusqu'au bout la route de la victoire. C'est une route qui passe à travers le pardon et la réconciliation; une route qui conduit à la lumière fulgurante de Pâques, après le sacrifice du Calvaire ».
Le pardon des martyrs et des confesseurs de la foi ! En commençant cette réflexion, je voudrais faire comme sur certaines routes un panneau : « Attention, danger ! ». Le pardon : on croit savoir ce que c'est, une antique vertu chrétienne, recyclée en mode de vulgarisation pour être bien dans sa peau, hier le jogging, aujourd'hui le pardon, demain je ne sais quoi… Mais en regardant de plus près ce pardon des martyrs, on s'embarque pour un voyage dont on risque de ne pas revenir indemne.

[b]I. Le pardon des martyrs



Jésus a apporté la révolution du pardon inconditionnel


Le pardon inconditionnel est certainement la pierre de touche du martyre chrétien. L'inconditionnalité du pardon est la signature de Jésus sur l'âme - l'épiphanie de la Miséricorde du Père – je me permets de vous renvoyer là-dessus à Dives in Misericordia . Et peut-être même du christianisme tout court car, comme l'a fait remarquer Hannah Arendt, « c'est Jésus de Nazareth qui a découvert le rôle du pardon dans les affaires humaines » - nous autres chrétiens dirions plutôt « apporté » que « découvert » mais il s'agit de la même réalité. Le terme de révolution pour une fois n'est pas usurpé car, comme l'a bien vu cette philosophe, toute action – et donc celle de bourreaux- est certes irréversible mais le pardon, et lui seul, offre la promesse d'une rédemption de l'irréversible, ouvrant ainsi un imprévisible.
Cette révolution ne s'est pas faite en un jour

Du Christ sur la croix : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font », saint Étienne, le premier martyr, est le témoin – martus en grec- parfait : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché ». Mais cette révolution du pardon inconditionnel qu'il manifeste ne s'est pas répandue en un jour. Il ne faut pas le cacher : c'est une découverte assez troublante que de découvrir qu'il semble absent de quasiment tous les récits des Passions des martyrs de la primitive Eglise : « Bien rares sont… ceux où les victimes ont envers leurs juges ou envers leurs bourreaux une attitude susceptible d'évoquer l'amour des ennemis » (Simon Legasse) : 2 ou 3 peut-être. Le père Christian de Chergé exprimait cette gène en 1994 : « Il y a aussi dans ces ‘Actes' quelque chose qui nous déroute et nous heurte aujourd'hui : la dureté de ces témoins vis-à-vis de leurs juges... ». Toutefois, comme historien, je nuancerais le propos : la quasi absence de pardon dans les textes qui nous sont parvenus ne signifient pas forcément que le pardon n'était pas donné. Il peut signifier aussi que ceux qui assistaient aux supplices ne le percevaient pas, peut-être parce qu'ils étaient tellement saisis par cette autre nouveauté encore plus radicale, celle du martyre lui-même, manifestation de la force du Christ ressuscité et de son Esprit dans la faiblesse humaine.
Au XXe siècle, le pardon n'a pas été plus facile qu'avant, pour les martyrs chrétiens comme pour les autres.

L'ampleur des génocides et des crimes de masse commis en ce siècle semblent même – nous le verrons – avoir rendu à nouveau le pardon inconditionnel humainement impossible, comme en témoigne le débat sur le caractère imprescriptible des crimes contre l'humanité. Soyons clairs : il ne faut pas idéaliser : le pardon relève de la grâce et de la réponse humaine à cette grâce et n'a rien d'un automatisme. J'ai entendu - rarement, il est vrai - chez des confesseurs de la foi d'Europe de l'Est ou d'Amérique latine des paroles qui ne pourraient être qualifiées que de haineuses envers leurs bourreaux et leurs tortionnaires, ou l'aveu qu'ils étaient incapables de pardonner, laissant cela à Dieu. Et qui sommes-nous pour juger ? Oui, comme l'écrit frère Christophe de Tibhirine en janvier 1994 : « Oui, il y a des ennemis. On ne peut pas nous contraindre à dire trop vite qu'on les aime, sans faire injure à la mémoire des victimes dont chaque jour le nombre s'accroît ».
Le siècle des témoignages sur le pardon des martyrs


Et pourtant, le nombre de témoignagse de pardon inconditionnel des martyrs et confesseurs de la foi chrétiens du XXe siècle est sans commune mesure avec tous les siècles qui ont précédés : des centaines, des milliers sans doute, et je ne parle bien sûr que de ceux que nous pouvons connaître. Avant de partager avec vous quelques réflexions sur les fruits et le sens du pardon des martyrs chrétiens du XXe siècle voici donc le plus important : les témoignages eux-mêmes. Il en va du bon vin de la charité du Christ que nous pouvons goûter en buvant ces témoignages comme du bon vin de notre terre de France : on peut lire des livres d'œnologie ou aller écouter des conférences sur les vertus médicinales et autres du Bordeaux, rien ne vaux un bon St Emilion dans son verre ! Je vous invite donc maintenant à en écouter et vraiment à « boire » quelques-uns.

Durant la guerre d'Espagne, le jeune clarétin Faustino Perez écrit avant d'être éxécuté avec 50 confrères : « Nous mourons tous en demandant à Dieu que le sang qui coule de nos blessures ne soit pas un sang de vengeance ». Dernière lettre à ses enfants d'Estienne d'Orves avant son exécution par les nazis « Quand vous serez grands, ne gardez de rancune envers personne – n'oubliez jamais que tous les hommes sont des frères et qu'il faut répondre aux offenses et même au mal par le pardon et l'amour ».

De l'homélie de béatification du P. Titus Bransma, autre martyr du nazisme,: « Il sortit victorieux de cette épreuve. Au milieu des attaques de la haine, il fut capable d'aimer - d'aimer chacun, y compris ses bourreaux et disait: « Eux aussi sont des enfants du bon Dieu , et qui sait si quelque chose demeure en eux... »
Sur le martyre du métropolite Vladimir de Kiev le 25 janvier 1918 : « Les témoins oculaires attestent que le métropolite resta serein, presque comme s'il allait célébrer la liturgie. Sur le lieu de l'exécution, le métropolite demanda quelques minutes pour prier, leva les mains au ciel et dit : ‘Seigneur, pardonne mes péchés volontaires et involontaires et accueille mon esprit dans la paix'. Il bénit ses tueurs et tout de suite retentirent les salves ».
Le Cardinal Lubavchevski, le 31 mars 1991 devant des centaines de milliers de personnes sur la Grand Place de Lviv : « : « Notre Eglise (d'Ukraine) est ressuscitée ! Et bien qu'elle soit faible et portent sur son corps des stigmates, elle appelle à nouveau à elle tous ses enfants qui vivent: "La paix soit avec vous ". Et elle pardonne et dit à ses ennemis: "Que le Seigneur vous pardonne et ait pitié de vous. La paix soit avec vous ! ".

Réponse du cardinal Mikel Koliqi d'Albanie – plus de quarante ans de camps et de prison ou résidence surveillée à ma question "Peut-on pardonner à ses bourreaux ? » : « Je vous le dis franchement : je n'éprouve aucun de ces sentiments de ressentiement. Je prie, au contraire, Dieu pour qu'il leur pardonne. Pour un chrétien, la vengeance n'a pas de sens ».

Lorsque le cardinal Wyszynski apprend le décès du chef communiste Bierut, celui-là même qui avait trahi la parole donnée et l'avait fait jeter en prison il jette sur un cahier ces notes : « Jamais plus je ne me disputerai avec Boleslaw Bierut. Déjà Bierut sait que Dieu existe, qu'il est amour. Il est de notre côté, désormais... Je solliciterai du Seigneur la miséricorde pour mon persécuteur. Demain, je dirai la messe à son intention : je l'absous déjà, confiant que Dieu retrouvera dans la vie du défunt des actes qui parleront en sa faveur... Ses acolytes auront sans doute bientôt renié et lâché Bierut, comme cela s'est produit pour Staline. Je ne le ferai pas. Mon devoir de chrétien l'exige ».

Luis Perez Aguirre, jésuite uruguayen torturé sauvagement : « Comme chrétien, ce n'est pas suffisant d'être capable de résister à la torture… Ce n'est pas suffisant non plus de lutter contre la torture. L'exigence chrétienne c'est celle du Christ en croix, en pardonnant. Nous devons être capables de pardonner, même de pardonner à nos tortionnaires ». Mgr Romero : « S'ils finissent par m'assassiner, vous pouvez dire que je pardonne et que je bénis ceux qui le font ». Ghassibé Kayrouz, jeune martyr libanais, la veille de son martyre, écrit à ses parents : « J'ai une seule demande à vous faire : pardonnez à ceux qui m'ont tué. Faites-le avec tout votre cœur, et demandez avec moi que mon sang, même si c'est le sang d'un pécheur, soit un rachat pour les péchés du Liban, une hostie mêlée au sang de ces victimes qui sont tombées, de tous bords et de toutes les religions, et un prix pour la paix, et l'amour, et l'entente qui ont été perdues par cette patrie, et même par le monde entier.

Le père Christian de Chergé : « J'aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m'aura atteint ». (1:arrow: Suite 2) cheers



Dernière édition par le Jeu 12 Juil - 19:28, édité 1 fois
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coeurtendre

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MessageSujet: II. Sens et fruits du pardon des martyrs (suite 2)   Réouvrir la route du pardon inconditionnel ... EmptyJeu 12 Juil - 19:25

II. Sens et fruits du pardon des martyrs
Dans cette seconde partie, je partager avec vous quelques réflexions interrogatives sur les fruits et le sens du pardon de ces martyrs. Mais je le rappelle, l'important n'est pas de réfléchir à leur témoignage, mais de s'y exposer, de s'exposer au Seigneur à travers eux.
Le pardon des martyrs est semence de chrétiens


Je prendrai deux témoignages, le premier missionnaire, le second de conversion des bourreaux, tous les deux en Afrique. Isidore Bakanga, jeune congolais béatifié. Au début du seiècle dernier, cet apprenti maçon découvre le Christ annoncé par les missionnaires. Il s'engage pour sa foi et devient catéchiste. Son rayonnement gêne. Sa conduite et son action montrent comme sont loin de l'Évangile ceux qui s'en réclament ou l'utilisent pour couvrir des pratiques d'exploitation. Le gérant d'une société coloniale le fait battre jusqu'au sang. Le catéchiste de Busira le recueille chez lui. Isidore meurt des coups reçus, après des mois de souffrances, en pardonnant et en priant pour ses assassins : « Je ne suis pas fâché contre le Blanc qui m'a frappé. Au ciel, je prierai pour lui ». Il y a alors neuf baptisés à Busira. Douze ans plus tard, ils sont plus de six mille.
Lucien Botovasoa. Ce catholique malgache avait refusé de prendre les armes et de tuer des innocents, lors des troubles de 1947, au nom de sa foi chrétienne. Menacé, il persiste dans son refus. Il est alors condamné à mort, avec exécution immédiate de la sentence. Ses bourreaux le conduisent au lieu de son supplice. Arrivé là, Lucien demande qu'on lui accorde un temps de prière. La confiance en lui est telle que les bourreaux le lui accordent et le laisse seul. Il s'agenouille et prie à mi-voix durant une dizaine de minutes, surtout pour ceux qui vont le tuer : ‘Mon Dieu, pardonne à ces frères… ». Avant d'être exécuté il pardonne encore à haute voix à son bourreau et lui murmure quelque chose à l'oreille. Seize ans plus tard, le missionnaire en charge de ce village est appelé au chevet d'un mourant qu'il ne connaît pas. Celui-ci lui dit : « Père, c'est moi qui ai tué Lucien Botovasoara il y a 17 ans. Juste avant de mourir il m'a dit : « quand tu auras vraiment besoin de moi, je serai là près de toi ». Je sais qu'il est là. Baptise moi, car je vais mourir ». Le missionnaire le baptise et il décède peu après.
Le pardon des martyrs révèle la force de la prière


Le Catéchisme de l'Eglise catholique dit tout là-dessus de façon si juste, si complète et si claire qu'il me suffira de le citer, renonçant à l'illustrer – il y aurait tant de témoignages de prière au moment de leur mort de martyrs de tous les continents à citer :
« La prière chrétienne va jusqu'au pardon des ennemis Elle transfigure le disciple en le configurant à son Maître. Le pardon est un sommet de la prière chrétienne; le don de la prière ne peut être reçu que dans un coeur accordé à la compassion divine. Le pardon témoigne aussi que, dans notre monde, l'amour est plus fort que le péché. Les martyrs, d'hier et d'aujourd'hui, portent ce témoignage de Jésus. Le pardon est la condition fondamentale de la Réconciliation des enfants de Dieu avec leur Père et des hommes entre eux » (§2844).
Réouvrir la route du pardon inconditionnel


En étudiant une bonne partie de ce qui a été écrit en français et dans d'autres langues depuis cinquante ans sur le pardon par des philosophes, historiens, essayistes ou journalistes, je me suis rendu compte que cette réflexion était très largement déterminée par deux auteurs partant du génocide du peuple juif.
Le premier, c'est Vladimir Jankélévitch, auteur précis, délicat et pénétrant d'une somme de philosophie morale sur le pardon et qui écrit par ailleurs : « Le pardon est mort dans les camps de la mort … Le pardon n'est pas fait pour les porcs et leurs truies ». Pour lui, « la première condition sans laquelle le pardon serait dénué de sens… c'est la détresse et l'insomnie et la déréliction du fautif…. cette condition est…. ce sans quoi la problématique entière du pardon deviendrait une bouffonnerie… le repentir du criminel donne seul sens au pardon, de même que le désespoir donne seul sens à la grâce ».
Le second, c'est Simon Wiesenthal, le fameux chasseur de nazis. Dans Les fleurs du soleil il raconte comment, en juin 1942 à Lviv, il est appelé, alors prisonnier juif promis à l'extermination, par un jeune SS moribond qui lui confesse le crime abominable auquel il a participé : le massacre de 150 juifs dans un village ukrainien, et lui demande pardon. Wiesenthal sort sans un mot. Un détenu polonais, survivant d'Auschwitz et séminariste, lui dira plus tard qu'il aurait dû accueillir ce repentir et pardonner. Mais ses co-détenus juifs penseront le contraire. A la fin de son récit, Wiesenthal demande : « Ai-je eu raison ou ai-je eu tort ? ». Et il appelle les lecteurs à prendre partie. Plusieurs livres ont été publié et continuent à l'être dans plusieurs pays à partir de réponses à cette question de Simon Wiesenthal, souvent par des noms fort connues du monde philosophique, scientifique ou politique. Pour la grande majorité, Wiesenthal a eu raison. Loin de moi l'idée d'insinuer ici que seuls les chrétiens seraient, eux, capables de pardon inconditionnel, l'Esprit souffle ou il veut – et la question de Wiesenthal est complexe car il ne s'agissait pas que de lui. Mais il faut reconnaître que ces deux livres ont à la fois orienté et bloqué l'essentiel de la réflexion sur l'évidence qu'il y a des crimes non seulement imprescriptibles par la Loi mais impardonnables par la conscience. Et alors que vaut le pardon de la Croix ? Peut-être est-ce une des tâches du témoignage des martyrs si non d'apporter une réponse définitive, au moins de ré-ouvrir cette question? Voici un témoignage, que je ne veux certes pas opposé à Jankélévitch ou à Wiesenthal, mais seulement pour dire que la question n'est pas univoque, c'est celui d'Albert Simon, survivant jociste de Buchenwald, sur ses frères jocistes martyrs et sur lui-même : « Elever son âme vers Dieu est ‘verboten' (interdit) ». Secrètement, je prononce avec réticence ‘Pardonnez nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés'. Pardonner à nos monstres…. J…A….M….A….I….S…. Jamais… Jamais…. Jamais… Jamais…. Jamais…. Tiens, l'écho ne répond plus ».
Le pardon des martyrs chrétiens, signe du plus grand amour


Comme pour la prière, je ne donnerai ici qu'une citation car elle dit tout, tirée de la Bulle d'indiction du Grand Jubilé, en vous rappelant seulement l'importance théologique et spirituelle de ce développement de la réflexion sur le martyr comme témoin non seulement de la foi mais autant et peut être en un sens plus encore de la charité que nous devons à Jean-Paul II : « Le martyr, surtout de nos jours, est signe du plus grand amour, qui récapitule toutes les autres valeurs. Son existence reflète la parole suprême prononcée par le Christ sur la Croix: « Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu'ils font » ( Lc 23, 34). Le croyant qui prend au sérieux sa vocation chrétienne, pour laquelle le martyre est une possibilité déjà annoncée dans la Révélation, ne peut exclure cette perspective de l'horizon de sa vie. ». Pour appuyer ce texte, deux témoignages parleront ici pour tous, celui de Dietrich Bônhoffer refusant de haïr ses bourreaux nazis à la veille de son martyre : « Qui peut avoir plus besoin d'amour que celui qui vit dans la haine ? ». Malusi Mpumlwana, prêtre catholique sud-africain torturé : « Quand ils vous torturent, vous pensez : ce sont des enfants de Dieu et ils se comportent comme des animaux. Ils ont besoin que nous les aidions à recouvrer l'humanité qu'ils ont perdue ».
Un pardon qui nous dérange


Evguénia Guinzbourg, une survivante du Goulag soviétique raconte comment ses camarades de captivité avaient du mal à accepter ce qu'elle leur proposait, de ne pas haïr leurs bourreaux en leur disant : « A ce compte-là, on n'en sortira jamais, tu comprends ? Eux contre nous, puis nous contre eux, et de nouveau eux contre nous... jusqu'à quand ce cercle vicieux de la haine ? Fallait-il assurer encore et partout le triomphe de la haine ? ».
« Jusqu'à quand ce cercle vicieux…? » Vous l'avez sans doute remarqué : que ce soit dans nos paroisses, nos familles ou nos couples, nous sommes généralement en tant que chrétiens prêt à tout pardonner, enfin presque tout, sauf ce mal justement que l'autre m'a fait : « Tout, sauf ça » ;– et le cercle vicieux se poursuit… Quand on commence à s'exposer au pardon des martyrs ce « Tout, sauf ça » explose. Pouvons-nous en effet comparer les offenses que nous avons subies avec leurs tortures, leur martyre ? Et pourtant, eux n'ont pas dit « Tout, sauf ça ». Alors la honte nous submerge, et le vrai pardon peut trouver le chemin de notre cœur.
Une nouvelle étape dans la révolution du pardon


Allons plus loin, même si là nous avançons, comme le disent les anglais, where Angels fear to thread, « où les Anges n'osent mettre le pied ». Pourquoi Dieu a –t-il voulu que ce XXe siècle soit aussi celui du pardon des martyrs, du témoignage sur le pardon des martyrs Je voudrais sinon vous faire partager au moins vous présenter là-dessus une conviction toujours plus forte mais qui cherche encore son expression, tellement cela semble à la fois important et difficile à exposer avec justesse.
De quoi s'agit-il ? Commençons par ceci : peu avant la fin du régime soviétique, un journal communiste publiait cet aveu, à propos des grands-mères croyantes : « Leur pardon et leur prière pour les persécuteurs ont sauvé l'humanité dans notre peuple ». Aujourd'hui, sous d'autres formes, mais qui sont les branches du même arbre dénoncé par Jean-Paul II au moment de la chute de ce régime, l'arbre de l'humaniste faux qui veut mettre l'homme et le « moi » à une place qui ne revient qu'à Dieu, l'humanité de l'homme n'est-elle pas menacée aussi dans nos sociétés ? Publicité, philosophies branchées, articles, réality-shows etc. ne nous poussent-ils pas sans cesse à mettre notre petit moi à cette place qui ne revient qu'à Dieu ? Le cri de Nietszche en route vers la folie se monnaie maintenant dans nos journaux et sur nos écrans : «S'il existait des dieux, comment supporterais-je de n'être pas dieu ? ». Mais une voix en nous n'est pas dupe. Et pourtant nous nous laissons flatter. D'où vient en nous cette illusion, aux conséquences dramatiques car si je suis dieu, même un petit dieu, je n'ai plus besoin d'être sauvé (c'est d'ailleurs ainsi que le philosophe Léon Brunschvicg définissait l'homme moderne, celui qui n'a plus besoin d'être sauvé). Et je n'ai plus besoin aussi de m'abaisser à pardonner et d'être pardonné - voir la haine du pardon chez Nietzsche, justement, et la difficulté pour l'homme d'aujourd'hui à pardonner de façon inconditionnelle– difficulté si étroitement liée à cette mascarade de l'illusion d'être un « petit dieu ».
Et bien, je me demande si il n'y a pas à la racine de tout cela et de cette tragédie il n'y a pas une autre de ces racines chrétiennes devenue folles. Bien sûr, nous ne sommes pas des dieux, mais il y a en chacun de nous l'image de Dieu et en particulier ceci : toute souffrance innocente participe de la croix du Christ et donc de la rédemption en sa divine profondeur (que celui qui la subisse le sache ou non, qu'il soit chrétien ou non). Et quel homme n'a jamais dans sa vie subit au moins une fois une injustice ou une violence et participé ainsi à cette souffrance innocente?
Or je suis de plus en plus convaincu qu'une des perversions de ce monde actuel, c'est justement d'utiliser ce divin en nous pour faire passer la contrebande du « divin » de pacotille du petit moi érigé en dieu dans ses désirs, ses passions, son attitude vis-à-vis des autres . Quelque part dans son inconscient spirituel l'homme moderne se dit : « Oui, au fond je sais bien que dans ma vie je ne suis pas ce dieu que la publicité ou la littérature prétendent que je suis, mais par ma souffrance je le suis, alors cela me donne le droit ou l'excuse pour faire semblant de l'être». Et la tragédie de l'homme moderne, celui qui n'a plus besoin d'être sauvé ni de pardonner se perpétue ainsi. Heureusement la miséricorde de Dieu est plus grande que la folie de cet homme auto-divinisé, et le pourchasse. Et je me demande s'il ne veut pas utiliser pour cela, entre autres « armes », le pardon des martyrs et confesseurs de la foi. En effet, par leur pardon, ceux-ci se dessaisissent radicalement de cette possibilité de pseudo-justification ! Leur témoignage, si on se laisse toucher par lui, peut libérer de cette tentation..
Conclusion


Ce trop rapide survol du pardon des martyrs du XXe siècle peut conduire à une réflexion conclusive sur le terme même de mémoire – elle aurait d'ailleurs pu être la même si nous avions pris comme thème leur prière ou leur charité.
Quand nous parlons de mémoire nous pensons généralement rendre service à ce ou à celui dont nous voulons garder la mémoire, sans nous il tombe dans le néant de l'oubli. Or, avec les martyrs chrétiens, plus nous avançons dans cette mémoire que nous voulons faire d'eux, plus nous comprenons que ce n'est pas eux mais nous qui avons tout à gagner à faire mémoire d'eux. Ce terme de « martyrs » c'est à dire de témoins du Christ doit être pris ici au sens fort. En faisant mémoire d'eux, nous les sauvons peut-être à vue humaine de l'oubli mais – surtout- nous nous rendons présents à eux et – à travers eux - participants du mystère pascal de souffrance, de mort, et de vie dont l'Eucharistie nous rend aussi participants. Car cette « route de l'avenir qu'ils ont nous ouvert » comme le dit si bien Jean-Paul II, par leur pardon et par tout leur martyre-témoignage, quelle est-elle sinon Celui qui est « la route, la vérité et la vie » (Jean 14, 6) ?FIN cheers
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