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| Le chemin vers Noël: contes de l’Avent | |
| | Auteur | Message |
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Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 12:59 | |
| Épisode 1: Marco et le marché de Noël
Le menton posé sur le comptoir, Marco observait depuis la cabane de sa maman Gina le marché de Noël qui s’étalait sous ses yeux. Marco était juste assez grand pour pouvoir regarder le monde qui l’entourait, et il aimait ça. Quand il était plus petit, il n’arrivait pas à la hauteur du comptoir, et ne voyait du monde que le ciel qui se découpait, sa maman, et tous les trésors que la petite cahute renfermait : les tas de petits bonhommes en pain d’épice que maman vendait, bien sûr, les bonbons, les sucres d’orges, mais aussi, dans un coin, à l’abri des regards, le coin favori de maman.
Il y avait là des chapelets, des bouteilles d’eau ramenées de Lourdes, des statues de la Sainte Vierge ou des saints, des croix, et des tas de babioles que papa Alberto appelait des « bondieuseries », en se moquant un peu. Marco savait pourtant que papa aussi, était très croyant.
De toutes façons, chez les Gianni, on croyait au Bon Dieu comme on aimait la pluie, les soirs d’été, le vent dans les cheveux, l’herbe tendre sous les pieds nus, et la liberté.
On voyageait de village en village, de ville en ville, marchands de glaces et de chouchous en été, marchands de pains d’épice et de sucres d’orge en hiver. On était aussi un peu marchands de rêves, pour qui savait s’asseoir un moment, le soir au coin du feu.
Maman Gina racontait les belles histoires qu’elle connaissait de sa maman, qui elle-même les avait reçues de sa maman, et ainsi de suite depuis le début des temps. On disait que le clan avait entendu ses premières histoires d’un ange, à la Création du monde, mais chut, ces histoires-là ne se racontaient pas. Elles étaient tellement belles que quiconque les entendait se mettait à pleurer de joie et à croire au Bon Dieu, sans pouvoir s’arrêter, et mourait de bonheur d’être autant aimé.
Il fallait que les Hommes découvrent Dieu tout seuls, ou sinon ils ne seraient plus libres. Alors, à la place, Dieu et les anges avaient caché les belles histoires dans toute la Création, le reflet du soleil dans un goutte d’eau, le rire d’un petit bébé, un chaton, un câlin. Que les Hommes se débrouillent pour trouver la beauté de Dieu dans toutes ces choses !
La beauté, aujourd’hui, Marco ne la voyait pas. Oh, c’était le même marché de Noël que bien des fois, mais il y manquait quelque chose. Il essaya de deviner quoi.
Il y avait bien la cabane du père René, un « bon vivant » comme il se présentait lui-même, très gros, avec sa moustache, qui souriait aux dames et racontait des histoires pas drôles.
Il menaçait Marco de son gros doigt en le traitant de va-nu-pieds, mais lui donnait en secret des feuilletés tout chauds avec de la viande et des épices. Il lui disait, l’œil humide, qu’il lui rappelait son petit bonhomme, avant qu’il ne devienne grand et idiot…
Un faux méchant, comme disait Maman. Il n’était pas tout à fait comme il le prétendait ! Aujourd’hui, René avait l’air Bougon, ses blagues encore moins drôles, et il n’avait pas fait de signe à Marco pour qu’il vienne chercher son feuilleté.
Il y avait Madame Plume, qui ne s’appelait pas comme ça, mais Marco ne se rappelait pas son vrai nom. Elle vendait des colliers, des parfums, des cailloux magiques, des attrape-rêves, des bijoux faits de plumes, d’où son surnom. Elle parlait de chakras, de nature, de soins par les plantes, d’essences de trucs et de machin bizarres, mais Marco l’avait vue aller à la pharmacie acheter de vrais médicaments, alors il se disait qu’elle aussi elle n’était pas forcément ce qu’elle prétendait.
Il y avait des dizaines de cabanes, et elles proposaient du vin chaud, des moufles, des gaufres croustillantes, des écharpes, des figurines en bois, des jouets, des parfums, des cartes de vœux, des sifflets, des petites voitures, des saucisses, des chalets miniatures.
Ça sentait les épices et les crêpes dorées, les branches de sapin et le chocolat chaud. Il y avait de la musique, des flonflons, des grelots et des « oh oh oh ! » Une foule de parents, d’enfants, de jeunes et de moins jeunes, des gens fatigués et des gens pressés, des bandes de copains et des gens seuls, se pressaient entre les cabanes comme s’ils voulaient tout voir, tout humer, tout goûter, tout acheter.
Le tout était éclairé par des guirlandes lumineuses et recouvert de neige. Comme à l’ordinaire. Mais il y manquait quelque chose, Marco en était sûr… Ilregardait tout ça le nez au raz de l’étalage, par-dessus les petits tas de bonhommes en pain d’épice que vendait sa maman.
Il entendit un : pssit pssit ! qui venait de vers ses pieds, en bas, et s’abaissa doucement jusqu’à disparaître aux yeux des passants, comme un sous-marin qui s’enfonce sans un bruit dans l’eau. Il se glissa dans son petit coin à lui, entre deux tas de cartons, là où maman l’avait laissé s’aménager un petit nid douillet, avec une couverture et des babioles.
Là trônait Patafou, le petit bonhomme en pain d’épices que lui seul entendait, même que les grands disaient qu’il était un peu bizarre de parler à un gâteau comme s’il le comprenait.
– Qu’est-ce que tu vois ? demanda Patafou. – Il manque quelque chose, murmura Marco. – Oui, tes chaussures ! dit Patafou, et il avait presque l’air de le gronder. Maman n’aime pas quand tu es pieds nus ! Elle dit que tu vas attraper la mort comme ça.
Marco détestait porter quoi que ce soit aux pieds. Il aimait être libre, et aller pieds nus, même si c’était plus facile en été. Aussitôt arrivé dans la cabane, le matin, hop ! il enlevait ses baskets et il se sentait bien. Et puis, il y avait un petit chauffage, alors ça allait. Il finit par dire :
– Oublie mes pieds ! Je te rappelle que tu ne portes rien toi non plus ! Patafou ne sut pas quoi dire. C’était vrai, il avait un beau pantalon en pâte d’amandes, des boutons rigolos en bonbon, mais pas de chaussures.
– Tu sais, reprit Marco, j’ai beau regarder, je ne sais pas ce qui manque, là dehors, mais il manque quelque chose, c’est sûr ! – Monsieur René est là ? demanda Patafou. – Oui, il est là, répondit Marco. – Madame Plume ? La dame aux chapeaux ? Les deux qui vendent des crêpes ? Le Monsieur policier ? Le petit manège ? La musique ? Les grelots ?
À chaque fois, Marco faisait « oui » de la tête.
– Ah, je sais ! s’écria Marco. Il murmura à l’oreille de Patafou. Celui-ci ouvrit de grands yeux en pâte d’amandes et dit : – Ça alors ! Marco porta Patafou et les deux amis relevèrent doucement le nez au niveau du comptoir, observant le marché de Noël tels des espions que personne ne voyait. – Tu as raison, murmura Patafou, il manque l’esprit de Noël ! https://lecheminversnoel.fr/calendrier-de-lavent/
Dernière édition par Azur le Mer 11 Déc - 13:12, édité 3 fois |
| | | Azur
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| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 13:07 | |
| Episode 2 : Marco et l’enquête Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda Marco
Patafou, son petit bonhomme en pain d’épice qu’il était le seul à entendre, lui dit d’un air très décidé :
– Il faut appeler Lily ! – Oh, flute et zut, dit Marco.
Marco aimait bien Lily, ce n’était pas ça le problème, elle avait son âge et était gentille comme tout, mais c’était… une fille. Elle refusait que Marco dise des gros mots devant elle, se cure le nez ou crache par terre (pourtant il était fortiche à ce jeu-là !). Elle prenait des fois des airs… euh, Marco n’aurait pas su dire quoi, des airs de fille, quoi, et il avait l’impression d’être un idiot, grossier et maladroit, comme un hippopotame qui jouerait au tennis.
Bon, et puis, il faut le dire, des fois, il avait un tout petit peu honte avec elle, parce que c’était la fille de Madame Plume, et qu’elle était aussi étrange que sa maman. Elle s’habillait bizarrement, avec trop de couleurs qui n’allaient pas ensemble, elle avait cousu des carrés jaunes, verts, bleus, sur sa doudoune, elle portait des chichis, des petits bonhommes et des barrettes fluo dans les cheveux, et tout le monde les regardait quand ils se baladaient. Il ne venait pas à l’esprit de Marco que le voir parfois pieds nus dans la neige, ou avec des chaussures trop grandes, surprenait tout autant les gens.
Mais, et c’était le plus important, Lily était vraiment maligne, et elle aidait souvent Marco à comprendre des choses, à retrouver des trucs ou à résoudre des machins.
Lily recomptait ses cailloux quand sa maman lui dit :
– Chérie, ton amoureux approche !
Lily sourit. C’était un secret entre sa maman et elle, et Marco lui-même ne le savait pas : un jour, ils seraient mariés, et ils élèveraient des poneys, et elle pourrait passer ses journées à les peigner. Ils auraient une ferme, et Marco travaillerait toute la journée dehors, et le soir, elle lui ferait retirer ses chaussures avant d’entrer à la maison. Enfin, s’il en portait, parce que bon, il avait encore des tas de trucs à apprendre ce garçon.
– Est-ce qu’il porte quelque chose aux pieds ? demanda Lily – Des chaussons… dit sa mère.
Lily enfila sa doudoune, ses après ski bien chauds, planta deux-trois bonhommes dans ses cheveux, mit deux pschitt de parfum, et sortit de la cabane par la porte de derrière. Elle accueillit Marco avec un :
– Ah te voilà toi !
C’était rigolo. Marco se demandait toujours ce qu’il avait fait, quand elle lui parlait comme ça, alors qu’en fait il n’avait rien fait de spécial, elle aimait juste le taquiner.
– Qu’est-ce que tu veux ? Demanda-t-elle – Euh, dit Marco, avec Patafou on a vu qu’il manquait un truc ici, alors on voudrait enquêter. – Patafou, hein ? dit Lily
Marco rougit, puis demanda :
– Enfin euh, tu veux m’aider ou quoi ?
Lily réfléchit et demanda à Marco de lui expliquer ce qu’il se passait. Elle posa des questions qui n’avaient rien à voir, et Marco était de plus en plus perdu. Puis elle lui fit un grand sourire, le prit par la main et l’entraîna en disant :
– Viens, on va interroger les gens !
Marco fut soulagé, avec Lily ça allait bien se passer. En secret, il rêvait qu’un jour ils seraient mariés, et il conduirait un gros camion, sur des routes géantes en Amérique, comme il avait vu dans un film, et Lily serait dans la cabine à ses côtés, et elle serait vachement impressionnée parce que c’est dur à conduire, un camion.
Ils parcoururent tout le marché de Noël, et c’était surtout Lily qui parlait, parce que Marco n’aimait pas parler, sauf à Lily, et à Patafou, bien sûr.
– Bonjour, Madame, disait Lily, pour vous c’est quoi l’esprit de Noël ?
Les gens étaient surpris, surtout que bon, les deux enfants qui les interrogeaient étaient habillés bizarrement, et des fois on les importunait pour leur demander de l’argent… Mais Lily avait un sourire magique, et en la voyant le visage levé comme ça, avec ses petits yeux malicieux et son sourire d’ange, les adultes craquaient comme disait Maman. Ils devaient s’inventer des choses dans leur tête, qu’ils faisaient une enquête pour l’école, ou je ne sais quoi, et ils répondaient :
– Pour moi, c’est les décorations, disait une vieille dame – C’est le repas en famille ! affirmait un jeune homme – Que mon fils me pardonne, disait une femme triste – Que mes petits-enfants viennent me voir ! dit un vieux Monsieur – La paix dans le monde ! dit une jeune fille qui faisait des selfies – Qu’on arrête de faire du mal aux nanimos ! dit une petite fille, et Lily lui fit un câlin et lui donna un de ses petits bonhommes – De l’ordre et de la discipline ! dit un Monsieur strict et pressé. Pas de mendiants dans les rues ! – Des cadeaux ! dit un petit garçon.
Au final, Marco et Lily étaient fatigués, et malgré toute une liste impressionnante de réponses plus ou moins astucieuses, ils avaient le sentiment que personne ne leur avait donné la bonne. Plus ils regardaient le marché de Noël, plus ils étaient certains que l’esprit de Noël avait bel et bien disparu, mais sans pouvoir mettre le doigt dessus.
Ils arrivèrent devant un grand escalier de pierre, et Lily leva les yeux vers le bâtiment devant lequel ils étaient. Elle éclata de rire et Marco demanda :
– Quoi ? – Mais qu’est-ce qu’on est bêtes, dit Lily. C’est tellement évident ! Devine !
Marco fit une grimace pour dire qu’il n’était pas d’humeur à jouer aux devinettes, et qu’il était fatigué. Et puis, bon, les chaussons dans la neige, ce n’était peut-être pas une si bonne idée. Mais Lily lui posa un petit bisou léger sur la joue et toute sa fatigue, tout son agacement disparurent. Elle était vachement forte, Lily. Elle dit :
– Regarde, il est ici l’esprit de Noël !
Marco ouvrit tout grand les yeux et la bouche. Mais oui, une fois de plus elle avait raison ! Ils grimpèrent l’escalier et poussèrent la lourde porte… https://lecheminversnoel.fr/episode-2-marco-et-lenquete/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 13:15 | |
| Épisode 3: Marco et l’esprit de Noël L’église était petite et joyeusement éclairée. Tous les meubles étaient de bois sombre. Il y avait un panneau avec des affiches colorées, des gros piliers, des statues de saints, des brûloirs à cierges, des icônes, et tout au loin au fond un autel. Les vitraux jetaient des taches de couleur sur les grandes dalles blanches, et Marco pensa qu’en fait ça faisait un peu penser à la veste de Lily.
Marco ne faisait pas de bruit en marchant dans ses chaussons mouillés, mais les grosses bottes de Lily crissaient sur les dalles : scrouic, scrouic, scrouic. Cela ne la gênait pas, mais Marco si, un peu. Il se rappela ce que disait sa maman : Marco, quand on aime les gens, on les prend comme ils sont. Il essaya d’imaginer une Lily sage, sans bonhommes dans les cheveux, sans carrés de couleur sur sa veste, qui ne dirait que des choses sérieuses et ne lui ferait jamais honte. Beurk ! Il n’aurait pas aimé cette Lily-là, « sa » Lily était mieux, même si elle était un peu bizarre, des fois.
Marco suivit Lily dans l’église, parce qu’elle semblait savoir quoi faire. Elle trempa les doigts dans le bénitier pour les mouiller et fit un signe de croix, elle alla de statue en statue parler à ses copains les saints, comme elle disait, elle mit une pièce dans un tronc et alluma une bougie, puis fit une petite prière en silence. C’était un peu comme quand Marco accompagnait papa en courses : il faisait tout un tas de détours et revenait souvent en arrière. Maman, elle, semblait savoir où tout se trouvait, et pfuiit, faisait tout d’une traite. Mais bon, là, Marco n’avait pas de chariot à pousser, alors ça allait.
Enfin, ils arrivèrent dans une petite chapelle, où la paroisse avait installé une grande crèche de Noël. Il y avait Marie, Joseph, l’enfant Jésus, l’âne et le bœuf, des anges, des moutons, des bergers… C’était beau, simple et reposant. Les deux enfants s’assirent sur un banc, et regardèrent la crèche pendant longtemps.
Le lendemain, sur le marché, tous les commerçants sentirent que quelque chose se passait. Ils virent défiler le maire, le président des commerçants, le curé et même deux enfants qui couraient dans tous les sens. Tout ce petit monde semblait pas mal discuter, s’agiter, s’opposer avant de tomber d’accord. Des ouvriers vinrent poser deux palissades devant un emplacement vide. On vit encore beaucoup d’allers et retours, des gens avec des caisses, des tissus, et des boîtes mystérieuses. Enfin, le soir venu, une grande lumière s’alluma derrière les palissades, et une petite musique s’éleva dans la nuit. Les palissades furent retirées, et la foule commença à s’approcher de la nouvelle cahute.
Certains eurent peur qu’un nouveau concurrent se soit installé, et que cela fasse baisser leurs ventes ! Monsieur René était de ceux-là, et il demanda à sa femme de tenir le stand le temps qu’il aille voir. Si c’était ça, le président des commerçants allait l’entendre ! Il tenait à l’équilibre du marché de Noël, et s’il y avait trop de boutiques qui vendaient la même chose, les affaires seraient mauvaises. Pas question de voir s’installer un nouveau charcutier ! Il eut du mal à s’approcher, et fit se pousser les gens en disant : « laissez passer ! » comme s’il était investi d’une mission officielle. Certains se retournaient, mécontents, mais quand il voyait cet homme gros, grand, costaud, avec ses gros sourcils froncés et sa moustache, ils le laissaient passer sans trop râler. Monsieur René en avait l’habitude : quand il demandait quelques chose, la réponse était oui. Enfin, sauf avec son épouse, qui était bien plus petite que lui, mais bon, elle avait un regard qui disait : toi, t’as pas intérêt à me contrarier.
C’est assez remonté et prêt à se battre pour son commerce qu’il arriva au premier rang de la petite foule. Et là, il resta bouche bée.
Une cabane était installée, mais sans la devanture, le comptoir ou le panneau donnant le nom du commerce. À la place, elle était remplie de paille. De grandes figurines en bois peintes avec soin représentaient Marie, Joseph, Jésus. Il y avait même l’âne et le bœuf ! Le petit Marco et sa copine Lily chantaient doucement un cantique de Noël, accompagnés par le papa de Marco à la guitare. Des petites bougies éclairaient la scène.
– Eh ben, c’est pas eux qui vont nous faire de la concurrence ! Dit René à haute voix. – C’est même l’inverse, dit quelqu’un à sa gauche.
Il se tourna et vit le curé.
– Bonjour mon père, dit René qui avait des manières. – Bonjour Monsieur René, dit le prêtre. C’est même l’inverse, vous ne croyez pas ? Sans eux, on ne serait pas là ! Heureusement que ces enfants nous l’ont rappelé !
René prit un temps pour réfléchir. C’était vrai quoi, pas de marché de Noël sans Noël, pas de Noël sans Sainte Famille, pas de Sainte Famille sans Jésus !
– Vous avez raison, dit-il, à force de faire les marchés de Noël on oublie pourquoi on est là. Nous on vend, les gens s’amusent, mais au final, pourquoi ? – Parce qu’un jour, le fils de Dieu s’est incarné dans un petit enfant, ouvrant la voie au Salut par la Croix pour tous les Hommes, dit le curé qui connaissait bien son catéchisme, évidemment. – Évidemment, dit René, pas sûr de tout comprendre.
Dans les jours qui suivirent, le petit marché de Noël avait quelque chose de plus frais, de plus joyeux. La paroisse avait décidé de faire une petite quête pour le repas de Noël des personnes âgées, et les passants pouvaient donner la pièce grâce à une tirelire devant la crèche. Les passants s’arrêtaient pour la regarder, les enfants ouvraient de grands yeux en voyant le petit Jésus dans sa mangeoire qui leur tendait les mains.
Dans la cabane de maman Gina, Marco et Lily, le nez sur le comptoir, contemplaient leur œuvre.
– Voilà, dit Marco en chuchotant, cette fois, l’esprit de Noël est là !
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| | | Azur
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| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 13:20 | |
| Épisode 1: Bouchon et la tempête Bouchon soupira discrètement. Le petit garçon ne s’appelait pas Bouchon, bien sûr, mais Matteo, mais ses parents n’utilisaient presque jamais son prénom – sauf pour le disputer. La plupart du temps, c’était « cœur », « chéri » et surtout « bouchon ». Il s’était habitué à ce surnom, c’était rigolo un bouchon : ça flottait, même dans la tempête, et ça ne se cassait pas quand ça tombait. Un bouchon, c’était doux, et solide, et il était un peu comme ça, au fond.
Si son papa venait le chercher en retard, à l’école, et qu’il devait attendre tout seul avec Madame Truchard, la gardienne, Bouchon se disait : c’est normal, il travaille beaucoup mon papa.
Si sa maman oubliait de lui faire faire ses devoirs, et qu’il était grondé le jour d’après, Bouchon se disait : c’est pas sa faute, elle a tellement de choses à faire, elle aussi !
Si sa grande sœur refusait de lui parler pendant des jours, et qu’elle le repoussait quand il avait peur des orages le soir, et refusait de lui faire un câlin, Bouchon se disait : c’est une grande, elle a ses raisons.
Mais là, c’était un peu difficile quand-même. Ça faisait super longtemps qu’ils roulaient, dans la grande voiture familiale, sous la neige, et on ne voyait rien dehors. On entendait le « tchac tchac tchic » des écouteurs de la grande sœur, pas vraiment de la musique, mais un petit bruit énervant, et elle écoutait trop fort. Le chauffage donnait un peu mal au cœur à Bouchon. Maman faisait la tête, et papa criait presque au téléphone parce que son collaborateur, comme il appelait Monsieur Minochaud, ne l’entendait pas bien à cause de la tempête. Bon, en plus, conduire et téléphoner, c’était dangereux, mais papa avait dit un mot pas beau quand Bouchon le lui avait fait remarquer. Alors, papa criait à Minochaud qu’il devait envoyer le dossier Massard aux Italiens, parce que sinon, et il ajoutait plein de vilains mots, on allait perdre le marché, encore plein de vilains mots, et perdre un marché aussi gros c’était pas possible, et il ajoutait un mot très vilain à la fin. Bref, personne ne se parlait, et Bouchon n’aimait pas trop ça.
C’était une idée de maman, ces vacances, ça allait ressouder la famille. Bouchon en doutait un peu, parce que, plus ils s’éloignaient de la ville, plus papa s’énervait au téléphone, plus la grande sœur mettait sa musique fort, plus maman faisait la tête, plus le chauffage lui donnait mal au cœur. Comme il s’ennuyait, il se mit à rêver à ce qu’il avait demandé pour Noël.
Bouchon avait beaucoup de cadeaux. Pas seulement à Noël, mais à son anniversaire. Ou des fois, sans raison. Papa partait beaucoup pour le travail, et quand il revenait, il ramenait toujours des tas de trucs à son petit garçon. Bon, souvent, c’était un petit peu bizarre, et Bouchon ne savait pas quoi faire de sa collection de savons de grands hôtels, de biscuits sous plastiques donnés dans les avions, ou des tracts de la European Trailers Convention. Plus tard, il ferait gardien d’école, comme Madame Truchard : elle avait une jolie petite loge, un gros chien tout poilu, et Bouchon ne l’avait jamais vue crier, courir ou même travailler. Elle avait l’air heureuse, et Bouchon en était sûr, elle n’était pas obligée de tout le temps quitter sa famille. Son papa n’avait pas de chance !
Enfin, la voiture s’arrêta, devant ce qui ressemblait à un gros chalet. Papa et maman se disputèrent, pour savoir qui avait la clé : « mais non c’est toi ah qu’est-ce que j’avais dit t’aurais pu me le dire quand-même je fais que ça depuis un quart d’heure. » Ils se disputaient, des fois, mais ça ne durait pas. Après, ils se faisaient un peu la tête, et après venaient les bisous, et les câlins. Mais, depuis quelque temps, il semblait à Bouchon que ça s’arrêtait aux disputes, et à faire la tête. Peut-être qu’ils mettaient plein de bisous de côté, pour Noël, et que ce serait bientôt une explosion de bisous. Bouchon avait hâte de voir ça ! En attendant, ils se disputaient juste, parce que tout ce que maman avait commandé manquait à l’appel : « mais si je te jure j’ai vérifié deux fois, gros mot, gros mot, tout devrait être là. »
Maman dit aux enfants, en prenant son air « je-suis-désolée-mais-je-fais-comme-si-tout-allait-bien » :
– Écoutez, euh, le Père Noël a eu des problèmes de livraison – L’épicier aussi dit papa d’un air fâché. – Ça veut dire qu’il est possible, reprit maman, que les cadeaux arrivent plus tard que Noël. – Et qu’on va manger des conserves ! Et se laver au savon de Marseille ! ajouta papa, comme si c’était la faute de maman, alors que, se dit Bouchon, c’était le Père Noël et l’épicier qu’il aurait fallu gronder.
La grande sœur qui ne parlait jamais sortit de son silence et dit :
– Trop pas ! La gênance.
Elle parlait comme Yoda, dans Star Wars, en inversant des mots, et Bouchon se dit qu’en vrai elle était peut-être un peu Jedi. C’est pour ça qu’elle ne voulait pas qu’il rentre dans sa chambre : pour pas qu’il la voie exercer ses pouvoirs. Mais papa disait qu’elle parlait plutôt comme un cheval, ce qui était rigolo, parce que bon, un cheval, ça parle pas.
– Ça promet de sacrées vacances, ajouta papa. Toutes les routes sont bloquées, y’a plus de réseau, Internet a sauté, la télé avec, et on va tenir huit jours aux raviolis. – Eh ben comme ça, on se parlera, dit maman.
Bouchon sourit. Il adorait les raviolis. Et ça lui disait bien, de parler. D’habitude, il pouvait pas trop. Quand il commençait à parler, à raconter ses petites aventures, ou poser des questions, on lui disait toujours : plus tard, Bouchon. Ces vacances allaient être chouettes, il avait tellement de choses à dire !
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| | | Azur
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| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 13:24 | |
| Episode 2 : Bouchon et les bisous cachés Bouchon regardait les flammes danser dans la cheminée, confortablement roulé en boule dans un fauteuil, une couverture sur lui. C’était très étrange une cheminée, ça faisait de la chaleur, comme un radiateur, mais avec du bois. Il n’y avait pas de bouton pour régler, mais papa, avec une grande pince en fer, pouvait mettre le feu plus ou moins fort en déplaçant des bûches, en remuant la braise, et autres trucs bizarres.
Bouchon avait appris à l’école que les hommes des cavernes n’avaient que ça, le feu, pour se réchauffer, et il se demanda si son papa avait connu le temps des cavernes. C’était possible, parce que la maman de papa, Mémé, elle enfilait une peau de bête pour aller à la messe, le dimanche. Même qu’un jour Bouchon lui avait demandé si c’était Pépé qui l’avait chassé, et tout le monde avait ri, et Pépé avait dit qu’il aurait préféré, vu que ça lui avait coûté un bras, ce truc-là. Bouchon avait bien recompté, Pépé avait deux bras, comme tout le monde, donc si ça lui avait coûté un bras, le bras avait repoussé.
Il en avait donc conclu logiquement que papa avait été élevé dans une caverne, que Pépé achetait des peaux de bête à Mémé en payant avec un de ses bras, qui repoussait, et que c’était pour ça que papa était aussi fortiche avec le feu. Il expliqua tout ça à voix haute à sa sœur et à maman, qui étaient dans un coin, parce qu’elles ne le savaient peut-être pas, et il s’aperçut que tout le monde le regardait avec un air surpris, comme s’il avait dit des bêtises.
Et puis, tout le monde a ri, ri, comme jamais ils n’avaient ri ensemble, du moins pas depuis la fois où la voisine avait perdu sa jupe dans la rue, la méchante qui faisait toujours des remarques sur la façon dont Bouchon s’habillait. Bouchon aussi se mit à rire, parce que ça lui faisait drôlement plaisir de les voir rire comme ça.
– Je vois bien ta mère en peau de bête dans une caverne ! dit maman en riant. – Même là, elle aurait trouvé le moyen d’inventer les patins ! répondit papa.
Ouais, d’abord ça c’était bizarre, chez Mémé on devait mettre ses chaussures dans des petits souliers tout doux, pour pas abimer le parquet, alors que Kiki, le caniche idiot de mémé, il avait le droit de se promener partout avec ses petites griffes qui rayaient tout et qui faisaient tic tic tic. Bouchon eut une idée :
– Quand Kiki mourra, Pépé fera une veste avec ou pas ?
Il y eut de nouveau des rires, puis papa répondit :
– S’il le pouvait, il en ferait une tout de suite. Il déteste ce clébard. Non, mon Bouchon, Pépé ne fera pas de veste avec le chien. Il l’enterrera, c’est tout.
Bouchon réfléchit, et il demanda :
– Comme Didi, alors ?
Les rires s’arrêtèrent d’un seul coup. Didi était le vieux chien de la famille, qui était mort à la rentrée, et tout le monde avait beaucoup pleuré. Maman se rapprocha de lui et le serra dans ses bras. Elle luit dit en lui caressant les cheveux, et il aimait bien :
– Oh mon chéri, pourquoi tu parles de Didi ? – Je sais pas, dit Bouchon en haussant les épaules. Avant, à chaque fois que je voulais parler, tu me disais plus tard, plus tard, et papa il est toujours au téléphone, et Stéphanie elle écoute toujours sa musique, et elle ferme sa porte à clé, et elle me crie après si je lui pose des questions, alors… Et pis comme depuis que Didi est mort, personne me parle, peut-être que c’est de ma faute qu’il est mort ? C’est parce qu’il était vieux et que j’ai trop joué avec lui ?
Ils le regardèrent tous les trois comme s’ils comprenaient quelque chose d’horrible, et Bouchon eut peur, et demanda :
– Ça va ? – Oh mon Dieu, dit maman, nous avons laissé cet enfant gérer tout seul la perte du chien. Aucun d’entre nous n’a pris le temps de lui parler ? – Je… j’ai été très pris avec mon boulot, dit papa d’un air gêné. Je crois que j’ai noyé mon chagrin dans les affaires… – J’ai besoin de ma musique, et d’être au calme, dit la grande sœur, embêtée. La maison est vide depuis que Didi… – Et moi, dit maman, je ne sais tellement plus où j’en suis que je ne fais plus attention à toi, mon chéri ; Je m’en veux ! – C’est pas grave, dit Bouchon, je sais bien que papa il travaille très dur pour oublier Didi. Toi, Stéphanie, tu es très triste des fois et quand tu écoutes ta musique, ça te fait du bien, alors je t’embête pas, et toi maman, avec tout ton travail, tu es fatiguée aussi, je comprends. Alors, je parle tout seul, et si je pleure, je me cache, comme ça, ça va. – Mon Dieu, dit maman, on ne te mérite pas Matteo. Nous sommes si égoïstes !
Bouchon ne comprit pas ce qui se passait, parce qu’il se retrouva enserré entre trois paires de bras, et tout le monde pleurait et lui faisait des bisous.
« Ah, je le savais bien, se dit-il, ils étaient cachés, ces bisous ! »
Et on l’avait appelé par son prénom, et pas pour le gronder. Décidément, ce Noël serait chouette. Bouchon était content. Tout le monde pleurait en pensant à Didi, mais c’était bizarre, parce que ça faisait du bien en fait.
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| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 13:28 | |
| Episode 3 : Bouchon et le plus chouette des Noëls Bouchon se demandait si on ne lui avait pas changé sa famille, en secret, dans la nuit. Il y avait des histoires comme ça, un petit garçon se levait un matin et c’était plus son papa, sa maman, mais des robots qui leur ressemblaient, et ils venaient envahir la planète, ou un mot comme ça, et tout le monde avait peur et tout.
Papa et maman se tenaient par la taille, et cuisinaient, en se disant des trucs dans l’oreille qui les faisaient rigoler. La grande sœur avait posé son iPhone, et lisait un vrai livre avec des vrais mots et pas d’images dedans, traînant en pyjama, pas peignée et pas maquillée. D’habitude elle mettait tellement de temps à se préparer le matin, que papa disait comme ça pour rigoler qu’il mourrait sans avoir jamais vu le vrai visage de sa fille, caché sous des tonnes de produits très chers. Et que heureusement que Bouchon n’était pas encore à l’âge où il transformerait la deuxième salle de bain en annexe, parce qu’alors il devrait aller se laver les dents chez le voisin. Des fois, Bouchon allait dans la salle de bain de ses parents, quand personne ne le voyait, et il se demandait comment il la rangerait quand ça serait sa « nanexe ». Mais il ne voyait pas trop ce qu’il pouvait changer, ou alors une cabane à la place de la baignoire…
Ça faisait maintenant deux jours qu’ils avaient tous pleuré, en pensant à Didi, et depuis ils avaient beaucoup parlé. Papa ne disait plus de gros mots, maman ne faisait plus la tête, la grande sœur posait de plus en plus souvent ses écouteurs, et tout le monde écoutait Bouchon quand il racontait ses histoires, même si des fois on lui disait qu’il pensait des choses bizarres. Mais, surtout, il les faisait rire, et ça, il aimait bien.
Dehors, le vent hurlait comme s’il essayait de décrocher le chalet et de l’envoyer rouler en bas, dans la vallée, et on ne voyait presque plus la voiture, tellement la neige était tombée. On pouvait marcher un petit peu, et Bouchon s’enfonçait jusqu’aux genoux dans la neige craquante, et c’était rigolo : cric, crac, crouc. Et on faisait des batailles de boules de neige, et maman, à ce jeu-là, c’était la meilleure : elle tapait juste là où l’écharpe de papa ne protégeait plus le cou, et il se mettait à danser comme le petit singe des dessins animés pour enlever la neige dans son dos, et on riait. On revenait mouillés et la peau rouge comme des écrevisses, on se séchait en riant au coin du feu, on buvait des chocolats chauds avec des chamallows, et après Bouchon faisait un petit rot, parce que bon, il buvait toujours un peu vite, mais ça faisait rigoler.
La veille de Noël, papa prit une grande décision : il allait essayer d’aller au village acheter des trucs, parce qu’il avait un 4X4 quand-même. Maman répondit qu’elle doutait que ce genre de 4×4 là soit fait pour aller affronter la neige en montagne, vu qu’il avait plus souvent fréquenté les parkings des grands restaurants où papa amenait ses riches clients, que des routes en hiver. Bouchon crut qu’ils allaient se disputer, mais papa embrassa maman sur le front en lui disant qu’elle avait raison, et qu’il allait l’amener, elle, plus souvent, dans les grands restaurants. Mais qu’en attendant il irait au village parce qu’on allait pas faire le réveillon avec des pâtes.
Bouchon aimait les pâtes, en tout cas il préférait ça aux trucs tout transparents avec des œufs, du jambon et des cornichons dedans, qui faisaient comme si on avait caché toutes ces bonnes choses dans de la bave en gelée, même si papa était persuadé que tout le monde aimait ça. Il se rappela toutes ces choses dégoûtantes que les grands mangeaient à Noël, et quand il faisait « beurk » on lui disait toujours « tu ne sais pas ce que tu rates ». « Pourvu qu’ils aient des huîtres », disait maman, mais Bouchon lui priait en secret le petit Jésus : « des pâtes ! Des pâtes ! » Des bonnes pâtes avec du fromage fondu, ça c’était chouette. Mais, il en était sûr, papa reviendrait s’il le pouvait avec du foie gras, des huîtres, une bûche glacée, et un chapon, il ferait la blague qui ne faisait rire que lui : « un chapon, cha pond pas. »
Bouchon dormait dans le salon quand papa revint, l’après-midi, et il aperçut papa, maman et la grande sœur qui transportaient des cartons, qui parlaient à voix basse, qui riaient et faisaient « chuut » en regardant dans sa direction, mais il n’essaya pas d’entendre, parce qu’il savait que les grands aimaient bien garder leurs secrets, et que souvent c’était complètement inintéressant.
Ensuite, Bouchon reprit sa sieste pendant que les autres faisaient des tas de trucs dans le chalet, et Bouchon était vachement bien, en fait. Il aimait quand il entendait sa famille autour de lui, que tout le monde était là, à l’abri, et même les yeux fermés il les reconnaissait. Papa faisait des grands pas, tirait et poussait des chaises. Quand il se concentrait sur quelque chose, il sifflotait. Il passait beaucoup de temps à dessiner des choses qui allaient sur des camions ou dans des usines, et son crayon sur le papier faisait comme une musique. Et quand il avait bien tout dessiné des tas de fois, chiffonné des tas de feuilles et râlé souvent, il sortait son ordinateur qui faisait une petite musique : tadaaaa ! en s’allumant, et il redessinait les mêmes choses sur l’ordinateur.
Maman avait des chaussures à talons, qui faisaient tac tac tac, et des bracelets en fer qui faisaient gling gling. Elle sentait drôlement bon, et Bouchon aimait bien son parfum qui se déplaçait avec elle. Elle bricolait beaucoup, et on entendait le bruit de ses crayons, ses ciseaux, ses aiguilles, son pistolet à colle, et après elle prenait des photos et elle mettait ça sur Internet, et d’autres mamans essayaient de faire pareil, mais en voyant leurs photos à elles, Bouchon disait que sa maman, c’était la meilleure, quand-même. Alors les autres mamans elles achetaient les trucs que maman faisait, et elle leur envoyait par la poste, et sûrement qu’elles faisaient croire à leurs amies que c’était elles qui l’avaient fait, alors que non, en fait. Un peu comme quand la maîtresse aidait Bouchon à faire ses cadeaux pour la fête des mères, parce que bon, il était beaucoup moins doué que maman. Mais ce n’était pas grave, parce qu’il ferait gardienne d’école, plus tard.
Bouchon reconnut aussi les bruits de sa grande sœur, et puis, autre chose… quelque chose qui lui rappelait des trucs, mais il ne savait pas quoi. Est-ce qu’il y avait quelqu’un d’autre avec eux dans la maison ?
Bouchon rêvait quand maman vint le réveiller :
– Mon chéri, c’est le réveillon !
Bouchon ouvrit les yeux et eut du mal à croire ce qu’il voyait. Il y avait un sapin, des guirlandes, des bougies, tout était décoré, et très joli. Le sapin, comprit Bouchon, était fait en carton, les guirlandes de serviettes en papier tressées. Maman avait fait sa magie avec son bricolage, et c’était encore plus joli que du vrai.
Ils expliquèrent à Bouchon que le village était isolé, que le curé n’avait pas pu passer, qu’il n’y aurait pas de messe, mais qu’on allait lire ensemble l’Évangile de la naissance du petit Jésus, et c’était vachement chouette, parce que maman lisait bien.
On lui dit aussi qu’il aurait son cadeau avant le repas, pour une fois, parce que c’était un cadeau qui ne pouvait pas attendre. Papa sortit de la pièce, et revint avec un grand carton qui semblait bouger tout seul. Il le posa par terre, et bouchon l’ouvrit avec précaution. Un tout petit chien tout blanc, avec une tache noire autour d’un œil, leva sa truffe humide vers lui.
– La chienne de l’épicier avait une portée, dit papa. Il est pour toi. Tu es content ?
Bouchon se jeta dans les bras de maman et papa, il pleurait tellement de joie qu’il ne pouvait même plus parler. C’était vraiment le plus chouette des Noël de tous les temps !
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| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 13:31 | |
| Carlo Acutis, branché sur le Seigneur! Il y a des gens dont la vie est très compliquée, très triste, et qui sont loin de Dieu. Des gens qui font de mauvaises choses, qui font du mal aux autres, et qu’il ne faut surtout pas imiter.
Et puis, il y a des gens, dont la vie est tellement belle, tellement lumineuse, même dans la souffrance ou les problèmes, que l’Église nous dit : lui, elle, est avec Dieu aujourd’hui, au Ciel.
Tu peux vraiment essayer de suivre son exemple, parce que ce qu’il ou elle a vécu est vraiment beau. Ce sont alors ce que l’on appelle, dans l’Église, des saints et des saintes.
Des exemples dont on est sûr, après avoir beaucoup réfléchi, prié, interrogé tous ceux qui les connaissaient, qu’ils ont vécu selon ce que Dieu veut, qu’ils sont comme des lumières sur notre route, et qu’ils sont au Ciel. Comme cela prend du temps, certains ne sont pas encore tout à fait reconnus comme saints, mais presque : ce n’est qu’une question de patience.
Parmi ceux-là, nous allons parler aujourd’hui d’un garçon vraiment très sympa, Carlo.
Carlo est mort quand il avait quinze ans, d’une maladie soudaine, il s’est endormi dans la paix après une courte vie, mais très remplie. Carlo croyait au Ciel, il est parti sachant qu’il irait près de Dieu, que tout ne s’arrêtait pas sur son lit d’hôpital. Carlo avait la foi, et était un garçon heureux. À son enterrement, on était en 2006 à Milan, en Italie, ses parents ont été surpris: voilà que l’église de la ville n’était pas assez grande pour accueillir tous ceux qui venaient lui rendre un dernier hommage ! Et même dehors, sur le parvis, ça se bousculait, parce qu’en vrai, des milliers de personnes sont venues lui dire «au-revoir» et «merci».
Comment un garçon de quinze ans avait-il pu marquer autant de monde, pour qu’on vienne en foule à son enterrement, comme pour une star du rock ?
A priori, Carlo était comme les autres. Il aimait bien le sport, la musique, les films policiers, et sortir avec ses amis. Il était très doué en informatique, il réparait des ordinateurs, et programmait. Il faisait de la vidéo, pas seulement filmer mais aussi des montages sur ordinateur. Il faisait des sites Web lui-même. Un garçon de son temps, en fait, qui ne vivait pas dans une grotte ou en évitant tout ce qui est moderne ! Simplement, de toute cette technologie, il tirait le meilleur en évitant le mal : il faisait des expositions et des sites Internet pour parler de Jésus présent dans son eucharistie, des lieux d’apparition de la Sainte Vierge, de l’enfer et du paradis.
Il a choisi de garder son cœur pur en n’allant jamais voir des bêtises, il pensait à Jésus et à la Vierge Marie. Carlo était heureux, rayonnait de bonheur, il n’avait pas honte de dire qu’il était croyant. Il a fait sa première communion très jeune, à sa demande, et il est allé à la messe tous les jours. Il priait le chapelet tous les jours, et, tout en vivant très fort, en donnant beaucoup de temps pour les autres, les personnes en difficulté, malades ou isolées, il a vécu une vraie vie de garçon d’aujourd’hui, devenant un exemple pour ses amis. Il allait très souvent prier Jésus présent au tabernacle, dans le saint sacrement, et il disait à ses amis : quand on est près de Jésus, on ne peut pas se perdre. On ne peut pas se tromper de route, quand on prie tous les jours.
Être près de Jésus, et de sa mère, tous les jours, tous les jours, dans la prière, éloigne de nous le mal et les mauvaises idées.
Il disait : « tous naissent comme des originaux, mais beaucoup meurent comme des photocopies. »
Si tu veux être toi, sois proche de Dieu ! Des fois, on peut se dire, même si on se trompe : tel saint du Xe siècle, pour lui, c’était facile ! il vivait loin de tout, à l’écart, il n’y avait rien à faire et pas de tentation.
Bien sûr, en disant cela, on se trompe, parce que quelle que soit l’époque, quel que soit le lieu, on a toujours un choix à faire, entre son égoïsme et Dieu, sa petite vie à soi et servir les autres. Mais bon. On peut douter : est-ce qu’on peut être un saint, une sainte, aujourd’hui ? Est-ce qu’il faut vivre seul, éviter tout ce qui fait notre époque moderne ?
La réponse, une réponse possible, c’est Carlo. Un garçon de quinze ans, bon copain, sportif, et rayonnant. Un garçon passionné parle Web et l’informatique. Quelqu’un à qui sa mère voulait acheter une seconde paire de baskets, et qui répondait : j’en ai déjà une, donne l’argent aux pauvres !
Quelqu’un qui priait tous les jours, et qui s’est endormi, simplement dans la paix, en offrant ses souffrances pour le pape et l’Église. Le chemin peut sembler parfois compliqué, pour aller au Ciel, faire ce que Dieu veut, et être dans la paix !
On a besoin d’amis, qui nous aident, qui nous guident ! Le sourire de Carlo peut aider, et on peut prier avec lui. Écoute ses paroles : « La tristesse, c’est le regard tourné vers soi-même. Le bonheur, c’est le regard tourné vers Dieu. »
https://lecheminversnoel.fr/carlo-acutis-branche-sur-le-seigneur/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 13:35 | |
| Joséphine Bakhita, l’esclave devenue sainte Le Soudan est un pays bien plus grand que la France ; c’est le troisième plus grand pays d’Afrique. Le Darfour, à l’ouest du Soudan est une région plutôt agréable : des palmiers, des bananiers et d’énormes baobabs pour se protéger du soleil ; des fleurs avec de grands pétales aux couleurs vives. Au pied de la montagne, une vaste plaine et un village : Olgossa.
Bakhita (son nom signifie « celle qui a de la chance » dans sa langue) est la plus jeune d’une grande famille : trois frères et une grande sœur, déjà mariée et mère de famille. Son père est même le frère du chef du village. Elle vit heureuse entourée de sa famille.
Mais un jour, alors qu’elle n’a que 5 ans, des pillards saccagent son village et enlèvent sa grande sœur. Il faut reconstruire et réapprendre à vivre, avec la peur que cela recommence. Et cela recommence ! Bakhita a 9 ans à présent. Son village est de nouveau attaqué et elle est enlevée à son tour et emmenée au marché d’esclaves de Taweisha, très loin de son village natal.
Elle est vendue à un marchand de passage, et s’enfuit avec son amie de captivité, Binah. Mais les deux petites filles ne sont pas de taille face aux marchands d’esclaves et sont vites rattrapées. Battues, séparées, elles sont de nouveau vendues. C’est un homme très riche qui achète Bakhita, pour la mettre au service de ses deux filles. Un jour, il l’offre à son fils qui vient de se marier. Il est si brutal avec elle que Bakhita reste un mois sans pouvoir bouger.
A 10 ans, elle est de nouveau vendue. A un général de l’armée turque cette fois, qui se montre aussi brutal que son maitre précédent. Il faut dire qu’à cette époque, en 1879, les esclaves n’étaient pas considérés comme des êtres humains, mais plutôt comme des objets. On enlevait les enfants à leurs parents pour les vendre. Leur maître pouvait les échanger, les offrir, comme on offre un jouet ou un petit chien.
Puis, un jour, alors qu’elle a 14 ans, Bakhita est rachetée par le consul d’Italie, Callisto Legnani. Ce n’est pas encore la liberté, mais Maître Callisto est un « bon » maître : pas de coups de fouet, pas d’insultes, pas de punitions. Durant deux ans, Bakhita aide la femme de chambre, en vivant une vie normale. Puis elle part pour l’Italie, où le consul « fait cadeau » de la jeune fille à un couple d’amis, Augusto et Turina Michieli. Bakhita devient leur gouvernante et vit à Mirano Veneto, près de Venise. Elle découvre que les italiens ne volent pas les enfants pour les vendre. Elle est correctement traitée et dispose même d’une chambre pour elle toute seule, avec des fleurs devant la fenêtre ! Elle devient la nounou d’Alice, surnommée Mimmina, la fille d’Augusto et Turina.
En 1887, Bakhita a 18 ans. Un ami de la famille Michieli lui a donné un crucifix en argent. Elle ne sait pas ce que c’est, mais c’est la première chose qu’elle possède de toute sa vie, alors, elle le cache, de peur qu’on ne le lui prenne. Cet ami, Illuminato, insiste pour que Bakhita entre à l’Institut des catéchumènes. Quand Madame Michieli part en voyage, elle confie Alice et Bakhita aux religieuses de l’institut. La première question qui lui est posée est : « Voulez-vous connaitre Dieu ? » et Bakhita répond par un « oui ! » enthousiaste, deux fois répété. Puis, madame Michieli rentre de voyage et vient tout naturellement récupérer sa fille et sa servante chez les religieuses avant de repartir pour l’Afrique. Mais, pour la première fois, Bakhita ne se laisse pas faire et refuse de la suivre. « Je ne veux pas aller en Afrique, parce que je n’ai pas terminé la préparation du baptême. Si je repars là-bas, je ne pourrai pas vivre ma religion. Il me faut rester avec les religieuses. » Madame Michieli insiste, fait même appel aux autorités pour obliger les sœurs à lui « rendre » Bakhita. C’est le Procureur du roi qui tranche : « N’oubliez-pas, Madame, que nous sommes ici en Italie où, Dieu merci, l’esclavage n’existe pas. Seule cette jeune fille peut décider de son sort, avec une liberté absolue. » Nous sommes le 29 novembre 1889, Bakhita n’a pas encore 20 ans, elle n’est plus esclave.
Elle reçoit le baptême quelques mois plus tard des mains de Mgr Domenico Agostini, cardinal-archevêque de Venise. Elle est également confirmée et communie pour la première fois. Elle s’appelle maintenant Joséphine (Giuseppina en italien), du nom de sa marraine et prend aussi le prénom de Fortunata. Elle garde celui de Bakhita « celle qui a de la chance » qu’on lui a donné en esclavage car elle a oublié le prénom que sa mère lui avait donné. Enfin, elle reçoit celui de Marie pour se mettre sous la protection de la Sainte Vierge qu’elle aime beaucoup. « La Sainte Vierge Marie m’a protégée, même quand je ne la connaissais pas. Même au fond du découragement et de la tristesse, quand j’étais esclave, je n’ai jamais désespéré, parce que je sentais en moi une force mystérieuse qui me soutenait. » Peu à peu grandit en elle le désir de devenir religieuse. Est-ce possible ? La mère supérieure de l’institut des catéchumènes ne s’y oppose pas : « Ni la couleur de la peau, ni la position sociale ne sont des obstacles pour devenir Sœur. » Le 8 décembre 1896, à Vérone, elle prononce ses premiers vœux dans la maison même où la fondatrice, Madeleine de Canossa, a vécu.
À Vérone, où elle vit désormais, les jours s’écoulent au rythme de la prière et de la règle des religieuses. On appelle Joséphine Madre Moretta, « la petite Mère noire ». Les habitants de Vérone, d’abord étonnés, s’attachent à elle chaque jour davantage. Joséphine est toujours souriante, accueillante et son amour de Jésus est immense. Quelques enfants se moquent d’elle parce qu’elle est différente des autres ; alors, pour les apprivoiser, les autres religieuses n’hésitent pas à raconter son histoire, si peu commune.
Lorsque la guerre éclate, en 1914, la maison des sœurs est utilisée comme hôpital militaire et Bakhita se dévoue à tous ces soldats blessés. Après la guerre, elle tombe malade : la faim, la fatigue et le froid ont raison de sa santé. Sa pneumonie finit par guérir, mais elle en gardera une grande fatigue. Elle devient alors « portière » comme disent les sœurs. C’est elle qui accueille les visiteurs et les élèves. Cela lui laisse le temps de raconter son histoire en détail à Ida Zanolini qui en fera un livre : L’histoire merveilleuse.
Les années passent et la Seconde Guerre mondiale arrive. Joséphine prie pour les civils et pour les militaires, qu’elle incite à garder leur âme loin du péché. Après une chute, elle doit marcher avec une canne. Puis la canne ne suffit plus, Joséphine est maintenant en fauteuil roulant. Elle a 74 ans et est religieuse depuis 50 ans. Immobilisée par la maladie, Joséphine passe de longues heures à égrener son chapelet. Quand elle meurt, le 8 février 1947, son visage est souriant.
Le pape Jean-Paul II la déclarera bienheureuse en 1992, patronne du Soudan en 1995. Elle sera canonisée à Rome le 1er octobre 2000. Après sa mort, elle a obtenu grâces et miracles, mais le plus grand miracle, c’est elle-même : sa fidélité silencieuse et discrète, sa confiance sans limites, qui se résume à cette phrase : « Comme veut le Maître. » Voici sa prière :
« Ô Seigneur, si je pouvais voler là-bas auprès de mes gens et prêcher à tous à grands cris ta bonté ; Oh, combien d’âmes je pourrais te conquérir ! Ma mère et mon père, mes frères, ma sœur encore esclave… tous, tous les pauvres Noirs de l’Afrique, fais ô Jésus, qu’eux aussi te connaissent et t’aiment ! » https://lecheminversnoel.fr/josephine-bakhita-lesclave-devenue-sainte/ |
| | | Espérance
Nombre de messages : 3945 Age : 78 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 09/05/2011
| | | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 16:59 | |
| De rien, chère Espérance! L’enfant au potier La campagne était toute de neige autour du bourg de Bethléem, et les cubes blancs des maisons prenaient des teintes laiteuses parmi cette surnaturelle pureté.
Le ciel bombait au-dessus, comme un grand bocal d’un bleu pâle et translucide. Il y avait dans l’air une joie paisible comme si des anges venaient d’y passer.
À la vérité, des anges l’avaient traversé la nuit précédente. Jésus étant né, cette nuit-là, dans une grotte des environs, ils avaient chanté, devant un groupe de bergers d’abord, au-dessus de la grotte ensuite, un beau chœur à plusieurs voix dont le refrain est demeuré célèbre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté. »
La nouvelle du miracle s’était répandue dans les maisons du bourg, et circulait sous le manteau, accueillie ici avec joie, là par des haussements d’épaules.
La fin de la classe du matin venait de lâcher les enfants dans les rues. Sur la placette, autour de la fontaine, beaucoup s’attardaient à bavarder, en petits groupes mystérieux et animés. La glissoire en pente luisait comme un marbre sombre, délaissée.
— Bien sûr que c’est vrai ! dit un gamin dont les yeux noirs étincelaient d’enthousiasme. Le père de Lévi doit le savoir, je suppose, puisqu’il y était !
— Mon père ne veut pas y croire, répliqua sans conviction un enfant mieux vêtu que les autres. Mon père est savant. Il doit avoir ses raisons. Mais j’aimerais mieux que ce soit vrai.
— Tiens ! intervint un troisième, pourquoi ne serait-ce pas vrai ? Ils étaient huit à aller à la grotte cette nuit, et tous racontent la même chose. Ils ont vu un ange, je vous dis, ils ont entendu le chant, ils ont vu l’Enfant et sa Mère.
— Mon père prétend que le Messie sera un Roi, objecta un autre. Alors, cet enfant pauvre ?…
— Oui, mais ces anges ? Est-ce qu’ils viennent chanter autour de notre maison, quand nous recevons un petit frère ou une petite sœur ?
— Mais… si on allait voir ? proposa quelqu’un. Je connais la grotte.
— Moi aussi, je la connais.
— Moi aussi !
— Nous y avons joué l’été dernier, tu te rappelles, Ruben ?
— Allons‑y ! Allons‑y !
— Chut ! il ne faut pas que nos parents le sachent… On n’a pas le temps maintenant. Il est presque midi. Et à une heure sonne la cloche de l’école.
— On ira après la classe, à trois heures ! D’accord ? Mais… le secret, hein !
— Va-t-on se rassembler ici ?
— Oui, mais nous partirons ensuite en petits groupes, glissant et jouant, et pas par les mêmes rues. Nous nous réunirons sur la route d’Engaddi.
Élie, le fils du potier, n’était pas du nombre des conspirateurs.
— Vous savez bien que maman est malade. Je ne puis m’absenter si longtemps.
Et, montrant sa cruche :
— Je dois aller acheter du sirop pour adoucir le lait battu. D’ailleurs, dans une heure il fera sombre. Et mon père ne veut pas que je cours la rue le soir.
— Voyons, Élie ! Ta mère attendra bien un peu. Nous serons de retour avant une heure. Tu diras…
— Fi ! interrompit Élie en les écartant. Je ne veux pas mentir. Je ne veux pas être désobéissant.
Et il s’en alla. Ses compagnons le suivirent du regard, à la fois étonnés et un peu dépités. Puis, haussant les épaules : « On ira sans lui ! » dit le plus grand de la bande. Et les groupes s’égaillèrent, pour se retrouver dans la campagne. Élie avait bien du chagrin. Aucun de ses petits amis, bien sûr, ne désirait autant que lui cette visite à l’Enfant merveilleux. Quand il avait entendu le berger dire au potier : « Crois-moi, potier, cet Enfant-là est le Messie promis à Israël… il avait senti la foi de cet homme pénétrer en lui. Et elle avait occupé sa pensée et son cœur toute la journée. Ses camarades verraient. Lui, il n’avait que son beau désir, qui devenait de plus en plus douloureux.
Mais sa conscience lui disait : « Obéis … Pouvait-il mieux recevoir le message du salut qu’en observant la Loi sainte ?
Il fit remplir de sirop sa cruche à la confiserie, et rentra en hâte, pour servir sa mère.
Le crépuscule peu à peu emplissait la maison. Élie alluma la petite lampe à huile. Le potier sortit de son atelier et vint s’asseoir sur un escabeau près de sa femme alitée, qui toussait. L’enfant était rêveur. Ses petits compagnons devaient maintenant se presser dans la grotte visitée par les anges… Mais maman est malade, je veux rester près d’elle…
Il s’assit à son tour près de la lampe, et essaya de repasser ses leçons pour le lendemain.
Après le souper et la prière du soir, Élie s’en fut se coucher. Il eut beaucoup de peine à s’endormir. Sa pensée voyageait du lit de sa mère à la crèche de l’Enfant. Puis peu à peu elle s’obscurcit, se voila, s’éteignit dans le sommeil.
Mais soudain, sans que la porte se fût ouverte, un homme se tint debout dans la petite chambre. Un ouvrier, eût-on dit, vêtu d’un manteau brun à capuchon.
Il avait une belle barbe grisonnante, et des yeux très doux. À la main il tenait un bâton de marche, qui lui venait jusqu’à l’épaule. Une lueur étrange, comme un peu de clair de lune, blanchissait autour de sa tête. Il se pencha sur Élie qui s’était dressé sur son séant et il lui dit avec bonté :
— « Viens, je te conduirai à la grotte. »
Sa voix était persuasive. L’enfant mit sa petite main dans la large paume calleuse du visiteur. Et sans qu’il sache comment cela s’est fait, Élie se trouve dehors, habillé et chaussé, trottant à côté de son guide, par les rues endormies de Bethléem, puis dans la campagne solitaire, où la neige se bleute à la clarté d’étoiles grosses comme des pêches. Il a confiance, il se sent tout léger et joyeux. De temps en temps, il lève vers son ami ses beaux yeux bleus, comme pour l’interroger : « Est-ce encore loin ? »
Là-bas, au flanc d’une colline, juste au dessous d’une étoile plus belle et plus grande que les autres, se creuse, dans la blancheur, un trou sombre vaguement éclairé d’une lumière rose.
« C’est là, » dit l’homme. Ils entrent.
Il n’y a pas de lampe allumée. Mais une douce clarté monte d’une mangeoire d’animaux, emplie de paille, où dort, enveloppé de langes, un petit enfant. Une jeune femme est agenouillée à droite de cette crèche. L’homme qui vient d’entrer, après avoir déposé son bâton et ôté son manteau, s’agenouille à gauche. Derrière, dans une pénombre luisante de paille, un âne et un bœuf avancent leurs têtes débonnaires.
Élie tombe à genoux en joignant les mains. Quel bonheur ! Voilà donc l’Enfant annoncé. C’est le Sauveur d’Israël !
La mère, détachant son regard du bébé, sourit au petit visiteur.
Élie récite tout haut toutes les prières qu’il sait. Il lui semble qu’il n’a jamais prié ainsi. Sa voix cristalline a éveillé l’Enfant qui le regarde et lui sourit. Aussitôt, très lointaines et très proches, des voix d’anges invisibles chantent en chœur : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ! »
Une immense vague de joie emporte l’âme du petit Élie. Il n’y a plus rien autour de lui que de la lumière, une lumière qui a un goût de miel et une odeur de roses.
— Élie ! Élie ! Lève-toi ! Il fait grand jour.
Élie ouvre les yeux. Il est dans son lit. Un peu de soleil tombe de la lucarne sur ses couvertures.
Qui l’a appelé ?
C’est sa mère. Elle entre dans la chambre ; elle n’est plus pâle ; elle a l’air rayonnant.
— Vite, mon petit, ton déjeuner est prêt.
— O maman, tu n’es plus malade ?
— Non, mon chéri. Je me suis sentie guérie, subitement, à mon réveil. Je ne m’explique pas cela. Mais je bénis le Seigneur.
Élie se tient debout, en chemise, sur son lit. Il tombe dans les bras de sa mère :
— Maman, cet Enfant dont nous a parlé le berger, je l’ai vu ! C’est le Sauveur d’Israël ! C’est Lui qui t’a guérie ! …
À son père et à sa mère, Élie a raconté son beau rêve.
Et le soir de ce jour-là, tous trois sont allés adorer l’Enfant Jésus dans la grotte. Ils y ont trouvé tout comme Élie l’avait décrit.
Et Élie a offert à la Sainte Vierge, de la part de ses parents, une belle cruche à lait, la plus belle que le potier n’eut jamais réussie, et qu’il avait toujours gardée comme un ornement sur le bahut de la cuisine. https://www.maintenantunehistoire.fr/lenfant-au-potier/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 11 Déc - 17:27 | |
| Pourquoi l’âne et le bœuf étaient à la crèche… Ce soir on ne va pas vous dire pourquoi la sainte Vierge était à la crèche ; ça on n’a pas besoin de vous l’apprendre, vous le savez fort bien.
Si la sainte Vierge est venue à la crèche, c’est tout simplement pour que son enfant naisse dans une crèche, c’est-à-dire une étable, c’est normal : un agneau naît dans une étable et son enfant à elle, c’est l’Agneau de Dieu —comme on dira plus tard à la messe en montrant le pain consacré— Son enfant est du pain et elle est la boulangère. Son enfant est l’Agneau qui porte le péché du monde. Et elle, elle porte son enfant pour le salut du monde. Elle est la boulangère qui pétrit dans sa chair le pain charnel qu’est son enfant.
Et le Verbe s’est fait chair
C’est pour cela, vous le savez bien, c’est pour cela que la sainte Vierge était à la crèche.
* * *
Et on ne va pas vous dire non plus pourquoi saint Joseph était à la crèche ; ça vous le savez bien aussi mais c’est plus difficile à expliquer parce que Jésus n’a qu’un Père : ce Père qui donne la becquée aux oiseaux du ciel et qui tisse une parure royale pour les fleurs des champs. Ce Père à qui il faudra toute l’éternité pour se consoler lorsque les hommes conduiront son Agneau à l’abattoir pour le tuer. Ce Père qui nous console de toute éternité lorsque son Unique livre aux hommes le Pain qui nourrit toute chair.
Car l’Agneau porte le péché du monde. Et le Père porte son enfant pour le salut du monde. Et c’est pour cela que saint Joseph était à la crèche parce que, quand on voit saint Joseph, on se dit que Jésus a un Père de toute éternité
Notre Père lui qui est aux cieux ;
C’était la seule chose qu’il avait à faire, saint Joseph, c’était de faire penser à Dieu !
C’est d’ailleurs la plus belle chose qu’un homme puisse faire et c’est pour cela, vous le savez bien, c’est pour cela que saint Joseph était à la crèche.
* * *
Joseph et Marie étaient à la crèche, vous le savez bien et on n’a pas besoin de vous dire pourquoi.
Ils étaient là tout simplement parce que Dieu leur avait demandé d’être là ; d’être là et de livrer là-bas son Pain qui nourrit toute chair ; d’être là et de porter là-bas son Agneau qui porte le péché du monde ; d’être là et de faire naître là-bas son unique enfant.
* * *
Maintenant, n’allez pas demander pourquoi l’enfant Jésus était à la crèche ; ne demandez pas pourquoi l’enfant unique de Dieu est né dans une crèche, c’est-à-dire dans une étable, ni pourquoi Dieu est l’Agneau que l’on conduira à l’abattoir pour qu’il porte le péché du monde.
N’allez pas demander pourquoi Dieu a voulu être le Pain qui est le fruit de la terre et du travail des hommes et qui est le fruit des entrailles de Marie, parce que cela on ne l’explique pas en deux trois minutes.
On n’explique pas ça comme ça, il faut bien du temps pour le comprendre ; il faut bien toute la durée d’une messe pour le comprendre ; il faut presque toute une vie pour le comprendre et peut-être même aussi toute une éternité !
Alors, vous pensez bien, on ne va pas vous expliquer comme ça pourquoi Jésus était à la crèche !
* * *
Non, ce qu’on voulait vous dire ce soir est beaucoup moins sérieux —mais vous ne le savez peut-être pas— on voulait vous dire pourquoi l’âne et le bœuf étaient là aussi, à la crèche.
Parce qu’enfin, à première vue, ça paraît étonnant : pour regarder l’Enfant de Dieu il y avait un bœuf, et pour entendre l’Unique de Dieu il y avait un âne.
Or, c’est triste à dire mais c’est comme ça : quand on dit de quelqu’un qu’il a le regard bovin ou qu’il mériterait des oreilles d’âne, ce n’est pas très flatteur pour ce quelqu’un-là, ça veut dire qu’il n’est pas très malin, qu’il n’a pas beaucoup d’instruction, pas beaucoup de finesse, comme on dit.
Et pourtant, pour voir et entendre l’Agneau de Dieu il y avait le regard d’un bœuf et les oreilles d’un âne !
Un gros regard pas très malin et de grandes oreilles pas très malignes non plus.
Mais si l’âne et le bœuf étaient à la crèche, ces deux pauvres bêtes sans finesse, c’est tout simplement parce que Dieu leur avait demandé d’être là. Et Dieu ne leur a pas demandé d’être un peu plus malins, ni d’avoir un peu plus d’instruction avant d’aller à la crèche ; il n’a pas pris sa baguette magique pour leur donner un peu plus de finesse avant d’aller se présenter à la crèche car Dieu n’a pas de baguette magique Dieu n’a qu’un miracle et c’est l’Enfant qui vient de naître.
Dieu n’a pas de baguette magique ni pour les oreilles de l’âne, ni pour les yeux du bœuf. Dieu n’a qu’un miracle et c’est l’Enfant qui est semence et gerbe et farine et pain :
Prenez et mangez, ceci est mon corps.
Alors, quand vous irez à la messe de minuit pour fêter Noël, pour voir et pour entendre l’Enfant de Dieu dans sa crèche, Agneau de Dieu qui porte le péché du monde et Pain qui nourrit toute chair, et que vous ne comprendrez quand même pas tout ce qui se passe, rappelez-vous le regard du bœuf et les oreilles de l’âne et dites-vous qu’il faut bien toute une éternité pour comprendre !
Si l’âne et le bœuf étaient à la crèche, c’est pour que nous ne soyons pas trop tristes de notre peu d’instruction et de notre peu de finesse quand nous sommes nous-mêmes devant la crèche. Car Dieu ne nous demande pas de faire les malins il nous demande seulement d’ouvrir de grands yeux et d’ouvrir de grandes oreilles. Et alors nous verrons et nous entendrons à la crèche : saint Joseph qui fait penser au Père de toute éternité, la sainte Vierge, la boulangère du pain de Dieu avec l’enfant qui est unique au monde.
Oui, nous les verrons et nous les entendrons, l’Agneau de Dieu avec son Berger et sa Bergère, et, pour nous saluer sans nous distraire, l’âne agitera les oreilles et le bœuf nous fera un clin d’œil .
Xavier Dijon
https://www.maintenantunehistoire.fr/pourquoi-lane-et-le-boeuf-etaient-a-la-creche/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Ven 13 Déc - 11:27 | |
| Episode 1 : Léa et la meute Léa parlait à ses amies, dans la cour du collège. La cour carrée était agréable en ce mois de décembre, chaud pour la saison. Le soleil d’hiver caressait les visages. Le repas de midi terminé, le petit groupe attendait que l’aumônier arrive pour entrer dans la salle de l’aumônerie. Ils parleraient de Jésus, ou du service, il y aurait de la prière, des rires et du Coca, et Léa aimait bien l’ambiance. Il y avait une atmosphère particulière, où on ne se sentait pas jugé. Le père Charles, un jeune prêtre, réussissait à créer un esprit de fraternité, qu’on ne trouvait plus trop dans le reste du collège.
Léa était solide, et ne s’occupait pas trop du jugement des autres. Mais elle devait bien reconnaître que c’était parfois dur de vivre dans ce petit collège. Bien que le portable soit interdit dans l’établissement, il régnait en maître hors des murs et les réseaux sociaux dictaient la mode et alimentaient toutes les conversations. Sitôt sur le trottoir, garçons et filles se jetaient sur leurs téléphones pour lire ou écrire les derniers potins, répondre aux questions anonymes envoyées par telle application, réagir aux vidéos faites sur telle autre. Ceux qui ne correspondaient pas aux normes ou voyaient des rumeurs désagréables naître sur leur compte, rasaient les murs.
Léa aperçut justement un garçon qui semblait mal à l’aise. Assis sur un banc, la tête rentrée dans les épaules, il avait l’air malheureux comme tout. Certains groupes riaient en passant devant lui, ce qui était mauvais signe. Il devait se retrouver au cœur d’une rumeur humiliante, ou quelque chose du genre. Léa n’hésita pas et alla se planter devant lui. Elle lui lança :
– Salut, Adrien !
Le garçon et elle n’étaient pas particulièrement amis, et il leva vers elle des yeux rougis, l’air surpris. Il répondit de façon un peu agressive :
– Qu’est-ce que tu veux ? – Je voulais savoir, tu as envie de venir à l’aumônerie avec nous ? On manque de garçons !
Adrien eut l’air complètement perdu, puis finit par répondre :
– Au point où j’en suis… Pourquoi pas…
Et il la suivit en traînant des pieds, l’esprit préoccupé.
Le père Charles arriva un peu plus tard, et remarqua tout de suite le nouveau. Adrien fut surpris qu’il connaisse son nom, et se détendit un peu, le prêtre étant désarmant de simplicité et de gentillesse. Il n’était pas copain avec les jeunes, mais, à sa façon, leur manifestait du respect tout en restant adulte. C’était une expérience nouvelle !
Il sembla à Léa que le garçon se détendait peu à peu, même s’il gardait un fond de tristesse. Durant certaines activités, elle surprit un regard interrogatif du prêtre, qui désigna le garçon de la tête. Elle lui fit comprendre par gestes qu’elle lui expliquerait après. La séance fut variée, entre vidéos, discussion, tisane et plaisanteries, plus un petit temps de prière. Puis le prêtre demanda à Léa et Adrien de rester l’aider à ranger les tables, et les autres jeunes les laissèrent.
La père Charles devint brutalement sérieux et demanda directement à Adrien :
– Bon, je sais qu’on ne se connaît pas encore, mais Léa te dira qu’on peut tout me confier, aussi je te le demande directement : Adrien, qu’est-ce qui t’arrive ?
Le garçon ouvrit la bouche comme pour parler, puis la referma et se mit à pleurer en silence, les yeux baissés, comme s’il portait un trop gros poids sur ses épaules. Enfin, il sortit son portable d’une poche intérieure de son sac à dos, le ralluma, lança une application, et tendit l’appareil au prêtre et à Léa, rougissant et détournant le regard.
Sur une vidéo d’une quinzaine de secondes, on voyait des images d’Adrien, torse nu devant sa glace, en train de se laver les dents en dansant. Il n’était pas très épais, contrairement aux garçons qui aimaient s’exhiber sur les réseaux sociaux, et le côté maladroit de sa petite danse était renforcé par une musique choisie pour le rendre ridicule. Un compteur annonçait déjà deux-cents vues.
Le visage du prêtre devint dur, et il demanda, maîtrisant visiblement mal sa colère :
– On t’a piégé c’est ça ? Tu savais que tu étais filmé ou pas ? – Je savais, répondit le garçon d’une voix misérable, mais c’était que pour mon meilleur… mon ex meilleur pote. Je pensais pas qu’il la mettrait sur Tik Tok, en plus il a créé le compte à mon nom, mes parents veulent pas que je m’y inscrive, ils vont me punir s’ils l’apprennent. – Comment on peut réparer ça ? demanda Léa au prêtre. – On ne peut pas effacer ce qui est publié, répondit ce dernier… Mais on peut arranger les choses de bien des façons. Vous savez, je connais un peu Internet…
Adrien regarda le prêtre comme s’il s’agissait d’un autre de ces adultes qui croient comprendre le monde moderne et racontent n’importe quoi, un peu comme sa grand-mère qui lui avait demandé une fois de lui mettre « les internettes sur sa clé usbe ». Ou son voisin qui parlait de « la » wifi. Mais le prêtre avait l’air sûr de lui et dit avec une grande confiance :
– Adrien, n’aie crainte, je vais t’aider. – Comment ? demanda Adrien. – Fais-moi confiance, dit le père Charles. Je te prépare un beau cadeau de Noël !
https://lecheminversnoel.fr/episode-1-lea-et-la-meute/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Sam 14 Déc - 12:40 | |
| Episode 2 : Léa et la choré
Léa était fébrile. Elle attendait, dans un petit café, accompagnée du père Charles, la maman d’Adrien. Cette dernière avait eu l’air surprise, surtout quand Léa lui avait dit de ne rien dire à son fils. Elle lui avait parlé de surprise pour le garçon, mais elle n’avait pas dû être trop convaincante, car la maman avait eu l’air méfiante au téléphone.
Parallèlement à ça, elle s’était relayée avec ses copines pour faire tous les trajets aller/retour vers et depuis le collège avec Adrien, pour qu’il ne soit jamais seul. Elles voulaient autant le protéger des autres que s’assurer qu’il ne sombrait pas dans la tristesse. Le père Charles connaissait effectivement bien Internet, et ses dangers, et avait pris la situation en main, en s’appuyant sur Léa, qui se sentait parfois un peu dépassée par l’ampleur de la tâche.
Mais elle préparait sa confirmation, elle croyait en Dieu, et si cela ne changeait rien sans sa vie et celle des autres, à quoi bon se dire chrétien ? Aussi essayait-elle de faire tout son possible pour soutenir Adrien.
La maman du garçon arriva enfin, et fut surprise de voir que le prêtre était là. Ce dernier lui annonça tout de suite :
– Madame, Léa a quelque chose à vous dire et j’aimerais que vous l’écoutiez jusqu’au bout…
Léa expliqua avec ses mots, prudemment, qu’Adrien était en quelque sorte moqué sur les réseaux sociaux, et la mère du garçon exprima toutes les émotions possibles par son seul regard : la surprise, l’inquiétude, la tristesse, la colère.
– Mon Dieu, mais qui en veut à mon fils ? finit-elle par dire.
Le prêtre reprit la parole et expliqua qu’Adrien et son meilleur copain s’étaient fâchés et que l’autre garçon avait en quelque sorte voulu se venger.
La maman déclara vouloir porter plainte pour usurpation d’identité, harcèlement et autres. Le prêtre la laissa parler, puis dit d’une voix douce :
– Pardonnez-moi, mais je suis presque sûr que Téo n’avait aucune idée du mal qu’il faisait… Je ne sais pas mais… pensez-vous que détruire sa vie rendrait le sourire à Adrien ?
Léa et la maman d’Adrien furent choqués en entendant cela, mais connaissant toutes deux le fameux Téo, réalisèrent que le prêtre avait raison : le garçon était doux, sensible, et son geste ne lui ressemblait pas.
Il serait détruit s’il se retrouvait entre deux gendarmes, ou s’il venait à être à son tour humilié.
– J’ai une solution, finit par dire le père Charles. Mais avant, je voudrais que vous regardiez ça…
Il sortit son portable et lança une vidéo. On y voyait un jeune Youtubeur à la mode devant sa glace, torse nu et se lavant les dents, dansant timidement. Puis il se mettait à chanter, sur un air R’nB très épuré, et ça faisait :
– Est-ce que j’ai l’air idiot ? Un peu ; Et toi, quand t’es seul, tu fais mieux ? Est-ce qu’il faut me juger parce que ? Je suis comme je suis. Je suis comme je suis.
La musique était belle, simple et envoûtante, facile à retenir. Les paroles allaient droit au cœur. Une petite chorégraphie ressemblant à celle improvisée par Adrien accompagnait le tout, facile à reproduire.
– Voilà, dit le père Charles. Si vous êtes d’accord, Madame, Adrien ne sera plus l’ado piégé qui se retrouve sur Internet, mais danseur dans un clip avec quelques-uns des plus fameux jeunes chanteurs et Youtubeurs du moment. Il y aura même Stan de Sing a Voice, la dernière émission à la mode.
Léa pâlit. Stan ! Elle le vénérait en secret.
– Comment avez-vous fait ? demanda Léa, plus que surprise.
– J’anime un petit groupe d’artistes du net, dit le prêtre. Eux aussi ont droit à une aumônerie ! Je leur ai parlé d’Adrien, son histoire les a touchés. Certains d’entre eux ont connu des histoires semblables. Voire pire… Bref.
On tourne le week-end prochain. Je voudrais faire la surprise à Adrien. Léa, je peux compter sur toi ? Il faudra recruter deux ou trois autres jeunes. *** Adrien sentait venir le piège. Sa mère l’avait traîné dans une zone industrielle de région parisienne, sûrement encore un magasin d’usine pour lui faire essayer des fringues que même papy ne voudrait pas porter. Alors il faisait la tête. De toutes façons, depuis qu’il s’était retrouvé torse nu sur Tik Tok, il ne souriait plus.
Ils poussèrent une porte, et arrivèrent dans un studio. Adrien resta sur le seuil, ébahi. Des fonds verts, des caméras, des lumières, des maquilleuses, des cadreurs, un clap… Le père Charles, Léa, trois copains de collège, et quatre ou cinq de ses idoles du net – en vrai, en chair et en os – l’attendaient, souriants.
– Alors, dit Clément, de Clément et vous en vidéo, ça va mon pote ? J’espère que t’es prêt parce qu’on a répété et ça va cartonner !
Adrien eut l’impression de pleurer un litre d’eau, mais finit par reprendre ses esprits. Il passa l’après-midi la plus dingue de sa courte existence.
Et apprit aussi que ce qu’il prenait pour un loisir amusant – faire des vidéos – était en fait un travail épuisant.
– On la refait ! criait le réalisateur. Adrien, tu tiens la brosse à dents de la main gauche, gauche ! Recommence !
Ils eurent même une première vision du clip monté. Ça commençait doucement, avec plusieurs personnes, stars ou inconnus, qui dansaient maladroitement devant leur glace.
Puis tout ce monde se répondait, se coordonnait, gagnait en confiance et en fluidité, et la chanson triomphait, hymne à l’acceptation de soi.
À la fin, grâce aux conseils des pros, Adrien dansait vraiment bien. Il terminait seul, sans musique, chantant doucement, les yeux dans les yeux du spectateur : – Je suis comme je suis...
*** Téo avança timidement. Adrien, star du jour, en cette veille de vacances de Noël, répondait à ses admiratrices dans la cour du collège. « Je suis comme je suis » cartonnait sur Tik Tok, et des centaines de jeunes avaient relevé le Adrien challenge en reproduisant la chorégraphie.
Adrien vit venir son ami, et repoussa gentiment le petit groupe qui l’entourait, pour s’approcher de lui.
– Je… commença Téo, mais sa voix se serra et il ne put pas terminer.
– Je sais, dit Adrien. Poteau, tout est oublié. Grâce à toi j’suis une star… enfin, pour le moment. Le succès c’est comme la honte, ça dure pas non ?
– Alors, tu ne me détestes pas ? demanda Téo, les yeux brillants.
– Bien sûr que non, dit Adrien. C’est le père Charles qui m’a expliqué : c’est presque impossible de vivre sans se disputer, mais heureusement il existe un pouvoir extraordinaire qui permet de continuer à vivre ensemble.
– Un pouvoir ? demanda Téo, curieux.
– Le pardon. Joyeux Noël !
https://lecheminversnoel.fr/episode-2-lea-et-la-chore/
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| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Lun 16 Déc - 21:10 | |
| Episode 1 : Le Noël de Tom : les newsboys
Bonsoir. Ça va ? Tu es bien installé ? Prêt à écouter une histoire ? J’espère pour toi que tu as un toit sur la tête, une couverture à portée de main, du feu dans la cheminée, un chat sur les genoux peut-être. Le froid, la neige, la pluie, tapent sur tes carreaux, qui ne les laissent pas entrer. Des adultes veillent sur toi, et l’hiver ne te fait pas peur, car tu sais qu’on te protègera, de la faim et du froid. Tu as de la chance !
Tom, lui, n’avait pas tout ça. Tom était un garçon qui habitait New-York, à la fin du XIXe siècle. Je sais, ça fait longtemps, mais à l’époque, il y avait déjà des hivers, très rudes, des Noëls, joyeux, et des petits garçons et des petites filles qui espéraient qu’ils recevraient de jolis cadeaux.
Certains, comme Tom, espéraient simplement avoir un peu moins froid. Tom n’avait plus de parents, pas vraiment de maison, pas de carreaux aux fenêtres, pas de feu dans la cheminée, pas de chat, pas de couverture, et pas d’adulte pour le protéger.
Tom était un newsboy, c’est-à-dire qu’il vendait des journaux à la criée, dans la rue. Tout ce qu’il possédait, il le portait sur lui : une culotte, un maillot, des chaussettes, des chaussures usées, une chemise rapiécée, un pantalon crasseux, un manteau qui avait vu passer trop d’hivers pour vraiment tenir chaud. Mais il avait aussi une casquette, quasi neuve, qu’il n’enlevait jamais. Il l’avait trouvée par terre dans une rue, un jour de chance.
Tom vivait dans une petite cabane, dans une ruelle, avec d’autre garçons comme lui. Ils faisaient brûler ce qu’ils pouvaient dans une boîte en fer, mais ça ne faisait pas une cheminée. Ils se couvraient de cartons et de chiffons, mais ça ne valait pas une bonne couverture. Ils n’avaient pas de fenêtre, et pas d’adulte pour les protéger.
Ils faisaient des petits boulots, comme assistant du laitier, ramasseur de poubelles, ou, comme Tom, newsboy. Au printemps, ça allait, ils étaient libres, la rue était à eux, et ils étaient unis entre eux.
Mais l’hiver à New-York, était vraiment très rude, et ils bourraient leurs vêtements et chaussures de paille ou de vieux papier pour avoir un peu plus chaud.
Tom et quelques copains venaient tous les matins au grand dépôt du New York Press, chercher les journaux qu’ils devaient vendre dans la journée. Jimmy, un grand homme un peu brutal, était préposé aux newsboys, et donnait à chacun un nombre précis d’exemplaires, en fonction du quartier où il devait travailler. Le soir, c’est à lui que les garçons rendaient les exemplaires invendus et l’argent récolté. Ils n’aimaient pas beaucoup Jimmy, à qui rien n’échappait : qu’un journal ou un cent manque, et c’était la claque assurée ! Jimmy frappait vite et fort, et sans qu’on l’ait vu venir on se retrouvait le nez dans la gadoue et l’arrière du crâne endolori. Jimmy vous attrapait alors par les chevilles, et vous secouait comme un prunier jusqu’à ce que vos poches rendent tout ce qu’elles contenaient. Rien ne lui échappait, et si on avait égaré une pièce, il se payait en vous volant couteau, billes ou autre trésor. Une brute !
Lorsque les garçons arrivaient, il se pressaient autour de Jimmy pour écouter les histoires du jour. Ce matin-là, Tom écoutait d’une oreille distraite le contenu du Press lu par Jimmy :
– Bon, les mioches écoutez bien, je ne le répéterai pas. Le président McKinley va allumer à distance grâce à l’électricité la grande foire du centenaire du Tennessee. Je dis bien : à distance, avec un bouton, sur lequel il va appuyer, et depuis la Maison Blanche, allumer des machines de la foire du Tennessee.
Les garçons laissèrent échapper un murmure d’admiration, pour cette électricité qui permettait de faire des choses si incroyables. Ils étaient très attentifs, parce qu’ils devraient crier aux passants dans la rue le résumé des nouvelles du jour tel que Jimmy les leur racontait. La moitié ne savaient pas lire, ils auraient été bien en peine sans ça de dire ce que contenait leur journal !
Il y avait aussi, en vrac, des nouvelles d’une guerre entre Grèce et Turquie, la pluie avec un vent du sud tournant au nord, le renforcement de la loi sur la vente d’alcool… Les newsboys commentaient tout en faisant beaucoup de bruit. Ils étaient les premiers, après les journalistes, à entendre les nouvelles du monde…
– Silence, reprit Jimmy. Faits divers…
Il laissa quelques instants de suspens. Les faits divers étaient ce que les lecteurs préféraient. Une bonne histoire, bien sanglante, et c’était des ventes assurées !
– Dans le village de Bony Eagle, dans le Maine, John C. Lane, un homme sans histoire et aimé de tous, a mis fin aux jours de sa famille avant de retourner son arme contre lui…
Les garçons crièrent. Un homicide ! Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, ils vendraient plus de journaux, et auraient une commission plus importante. La commission, c’était cette petite somme d’argent que chacun recevait de Jimmy en rendant sa monnaie et ses journaux le soir. Nul ne savait comment Jimmy la calculait, personne ne sachant vraiment bien compter, mais au poids que ça faisait dans la main, on savait si on avait eu une bonne journée.
Les newsboys, leurs journaux sous le bras, se répandirent en courant dans les rues, et commencèrent leur épuisante journée, criant les nouvelles. Les passants leur jetaient une pièce et recevaient un journal à la volée. Pas bonjour, pas merci, un newsboy était moins qu’un chien, à New-York, en ce temps-là. Certains en faisaient des tonnes pour essayer de mieux vendre, mimant les nouvelles, ajoutant des détails farfelus, mentant même sur le contenu du journal. Tom, lui, essayait de rendre compte de ce qu’il avait entendu avec honnêteté et simplicité, sans mentir.
Il essayait de ne pas trop penser à Noël qui arrivait. C’était pour lui la pire des périodes de l’année. Il se souvenait vaguement d’avoir eu des parents, une maison, un cadeau. C’était une simple orange, ou un jouet de bois, mais il avait eu quelqu’un pour s’occuper de lui, à cette époque-là. Il avait eu chaud et presque jamais faim. Aujourd’hui, il devait sautiller d’un pied sur l’autre dans ses chaussures, qui prenaient l’eau malgré les vieux papiers qu’il y avait bourrés. Il voyait passer des enfants au bras de leurs parents, qui regardaient les vitrines des boulangeries avec gourmandise, et parlaient des jouets qu’ils recevraient. Tout n ‘était que rire, lumière, et chansons, mais lui était gelé et tendait ses journaux, invisible parmi la foule, et oublié. Il retrouverait le soir sa bande de copains, tout aussi seuls et frigorifiés que lui. Vraiment c’était la pire période de l’année.
Ce jour-là, il eut l’impression qu’on l’observait, sans réussir à voir qui cela pouvait être, alors qu’il criait à l’angle de Madison Avenue et de la 72ème. Il lui sembla même apercevoir un visage dans la foule qui entrait et sortait de Central Park, le grand parc de New-York. Mais il ne parvint pas à voir qui s’intéressait à lui. Ami ? Ennemi ? Il ne se doutait pas, en ce mois de décembre 1897, que sa vie allait très bientôt basculer…
https://lecheminversnoel.fr/episode-1-le-noel-de-tom-les-newsboys/
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| | | Espérance
Nombre de messages : 3945 Age : 78 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 09/05/2011
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 18 Déc - 11:14 | |
| Episode 2 : Le Noël de Tom : l’épreuve
Tom rêvait qu’il était au chaud, près d’une cheminée, et sourit dans son sommeil. Puis une odeur désagréable le fit revenir du pays des songes. Il se réveilla et s’aperçut que le gros Billy lui avait encore mis ses pieds sous le nez. – Billy ! Gémit-il en s’asseyant.
Il sortit du tas de cartons sous lequel lui et ses copains se serraient la nuit pour avoir un peu plus chaud. D’autres cartons bouchaient les ouvertures de la petite remise. Sa respiration faisait de la buée. Il écarta la toile cirée qui protégeait l’entrée, et aperçut un homme, le visage dissimulé par une écharpe et un grand chapeau, qui regardait dans sa direction. L’homme lui fit signe de venir. Tom referma précipitamment.
– Qu’est-ce que c’est ? Grogna le petit Ben, que Tom aimait bien. – Il y a dehors un homme bien habillé qui m’a fait signe de venir, dit Tom. – Oh ? dit Ben. Ça alors !
Ben n’avait pas beaucoup de conversation, tout l’étonnait, et la plupart du temps il vous répondait « ben ça ! » ou quelque chose du genre. Tom ne fut donc pas étonné de sa réaction, et poursuivit :
– Je le connais… Ces yeux, cette écharpe, ces chaussures, je les ai déjà vus. Oh ! Je sais qui c’est ! – Eh beh dis donc, fit Ben. – Ben, dit Tom, je dois y aller ! Dis aux autres de ne pas m’attendre.
Ben n’était pas malin, mais il savait tout de même qu’on ne doit pas suivre un inconnu. Il ne sut pas comment le dire, mais réussit à exprimer sa peur :
– Oh non quand-même ? – N’aie crainte, petit frère, dit Tom. C’est Monsieur Munsey junior ! – Oh ça va alors, dit Ben, rassuré.
Il aimait bien quand Tom l’appelait petit frère, même s’ils n’étaient pas frères, en vrai. Il regarda Tom sortir en coup de vent, puis se rendormit.
Frank Munsey, junior, avait vingt-cinq ans. Neveu du fondateur du journal, il dirigeait déjà plusieurs rubriques, et ne le devait qu’à son talent. Son intelligence et son écriture étaient respectées de tous, même des vieux reporters. Il regarda le garçon qui s’approchait de lui.
– Tu es Tom, n’est-ce pas ? demanda-t-il. – Oui Monsieur, dit Tom en enlevant sa casquette, par respect, comme on lui avait appris.
Ce faisant, il fit apparaître la chevelure la plus sale et emmêlée que Frank ait jamais vue. Le jeune homme soupira. Ces garçons vivaient dans des conditions épouvantables. Il regarda Tom et dit :
– Tom, tu sais qui je suis, n’est-ce pas ? Peux-tu me faire confiance et m’obéir sans poser de question ?
Tom réfléchit. Même s’il ne leur parlait jamais, il connaissait tous les journalistes du New York Press. Ils étaient une sorte d’élite au sein du journal, et les garçons apprenaient à les connaître, aussi bien par leurs écrits que par ce qu’on disait d’eux. Le gros Jack, par exemple, savait raconter un procès comme personne, mais il buvait bien trop. Grant vous demandait des services, mais ne donnait jamais rien en retour. Mais de Frank Munsey junior, il n’avait entendu dire que du bien : sérieux, honnête, tout au plus pouvait-on lui reprocher de ne jamais sourire. Mais il était l’un des seuls qui disait bonjour aux newsboys.
– Oui, dit Tom en regardant ses chaussures, je sais que vous êtes un honnête homme !
Il entendit un bruit bizarre et leva les yeux : Frank riait ! Il n’était peut-être pas aussi barbant qu’on le disait ?
– Barbant ? demanda Frank encore plus amusé. – Oh crotte, dit Tom, j’ai pensé à voix haute ? – Ne t’inquiète pas, dit Frank, je me trouve moi-même ennuyeux parfois. Allons, en route, montre-moi que tu sais observer le monde qui t’entoure. Allons nous balader, et observe tout !
Tom fut surpris. Se balader ? Observer ? Il s’attendait à devoir porter des ordures, chasser des rats, ou nettoyer des latrines. D’ordinaire, quand un adulte du Press faisait appel à un newsboy, c’était pour lui confier des tâches pénibles en échange de quelques pièces. Au lieu de cela, il passa la journée autour de Central Park, à observer les gens, sous le regard attentif du neveu préféré du grand patron. Le reporter lui posait des questions, sur sa vie, ses rêves, ses journées. Il lui demandait de commenter les nouvelles du jour, ou de se souvenir de celles de la semaine passée. Il lui paya un hotdog, et Tom faillit s’étouffer en le mangeant, car cela faisait longtemps qu’il n’avait pas avalé un repas chaud. Il ne vit pas passer les heures en compagnie du jeune homme.
Vers le soir, leurs pas les ramenèrent au journal, et Tom fut surpris quand son guide du jour l’entraîna dans les étages. Ils se retrouvèrent dans une pièce où trônaient des machines à écrire, du papier, des stylos, de grands classeurs, des meubles en bois sombre et des lampes à abat-jour. Trois autres reporters étaient dans la pièce et semblaient considérer Frank comme leur chef.
– Tom, dit Frank, raconte à mes amis comment la vieille dame au landau qui est tombée ce matin devant la boutique de fleurs était habillée ! – Elle n’avait pas de landau, dit Tom, mais un cabas, et c’était devant le Washington, le grand café de la place…
Et il dut subir un interrogatoire en règle sur tout ce qu’ils avaient vu et fait dans la journée. Frank donnait de faux indices, jouait les naïfs, et Tom devait se concentrer pour bien répondre. Il fit du mieux qu’il put, sans savoir pourquoi on lui imposait ça. Quand il eut fini, complètement épuisé, il entendit à peine que Frank le renvoyait chez lui et fila sans demander son reste. Le garçon parti, le jeune reporter se tourna vers ses amis :
– Alors ? – Ouais, pt’être, fit l’un, mais je doute que le vieux soit d’accord. – Ça, je m’en charge, dit Frank. C’est de votre opinion dont j’ai besoin. – Ça paraît délirant, dit un autre, mais si quelqu’un peut réussir, c’est toi.
Le visage de Frank devint très déterminé, un air que ses amis lui connaissaient bien. Il dit :
– Je suis sûr qu’on peut en faire quelque chose. Reste à persuader le conseil. J’y arriverai ! https://lecheminversnoel.fr/episode-2-le-noel-de-tom-l-epreuve/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mer 18 Déc - 16:51 | |
| Episode 3 : Le Noël de Tom : une vie nouvelle
Le temps passa. Tom oublia la journée très étrange passée avec Monsieur Munsey junior.
Dans la vie d’un journal, à cette époque-là, il y avait toute une hiérarchie de boulots petits et grands. Des livreurs, des coursiers, des porteurs, des télégraphistes, des dessinateurs, des archivistes, des comptables, des chroniqueurs, des conseillers de ceci, cela, des secrétaires sténo dactylographes, des typographes et des correcteurs typographiques, des imprimeurs, des graisseurs, des machinistes, des électriciens, des gardiens, et, bien sûr, tout au-dessus, dans les derniers étages de la grande tour du New York Press, des journalistes.
Tout en bas, dans la rue, jamais autorisés à entrer, ni même à poser le pied sur le perron de la grande entrée, gardée par un groom en uniforme, il y avait les newsboys. C’était déjà extraordinaire que l’un d’entre eux, Tom, ait passé une journée à se balader avec le neveu du patron, un journaliste. Les chances étaient nulles que cela arrive deux fois. Pourtant, peu de jours avant Noël, le matin, en venant comme ses copains chercher ses journaux à la porte des docks de livraison, Tom entendit Jimmy, le préposé aux newsboys, lui dire :
– Tom, chez le patron. Demande à Harvey de t’accompagner.
Tom pâlit. Qu’avait-il fait de grave pour être convoqué chez Monsieur Munsey ? La mort dans l’âme, sous les regards navrés de ses camarades, il fit le tour du bâtiment pour se présenter à l’entrée. Le gros Harvey, dans sa tenue rouge et or, veillait en haut du grand escalier tel un aigle dans ses montagnes. Ses yeux semblaient tout voir, et il savait à qui ouvrir la porte et faire une révérence, qui laisser entrer seul et qui chasser. Il lui suffisait d’un regard méchant, et c’était comme si vous étiez roué de coups avec un manche de pioche. Ses deux yeux noirs semblaient crier : reste à ta place, en bas, dans le caniveau !
Tom s’apprêtait à subir ce regard tant redouté, mais à la place, le gardien l’accueillit avec un sourire. Il lui fit signe de le rejoindre : – Tom, viens, on t’attend, on va prendre le monte-charge.
Tom fut reconnaissant de ne pas avoir à monter les vingt étages à pied, et suivit l’homme dans une petite cabine grinçante et mal éclairée. Ils arrivèrent tout en haut de l’immeuble, et parcoururent des couloirs couverts d’une moquette si profonde qu’on aurait dit de l’herbe. Harvey ouvrit une porte, et fit entrer Tom dans une salle de bains. Des vêtements neufs étaient posés sur une chaise.
– Voilà, c’est ici, dit Harvey. Décrasse-toi à fond et mets ces vêtements. Puis, va frapper à la porte tout au fond du couloir.
Tom, resté seul dans la pièce, eut quelques moments de vertige. Devant lui, une baignoire remplie d’une eau fumante et odorante. Des flacons avec des parfums. Des savons. Des brosses. Des peignes. Des serviettes. Il se déshabilla et plongea dans l’eau chaude. Il eut l’impression d’être dissout comme un cachet d’aspirine.
C’est un garçon méconnaissable, propre comme un sou neuf, aux cheveux soigneusement peignés et la raie au milieu, vêtu de neuf et marchant avec précaution dans des souliers trop durs, qui frappa timidement à la porte, au fond du couloir.
On lui cria d’entrer, et il se retrouva au centre d’un demi-cercle de fauteuils, dans lesquels trônaient des messieurs très bien habillés. Au centre, le grand patron. À sa gauche, son neveu, qui lui sourit gentiment.
– Ah, voici notre newsboy, dit Monsieur Munsey, senior, avec une voix grave qui fit frissonner Tom. Tom… quel est ton nom de famille déjà ?
– Je sais pas, M’sieur, bredouilla Tom, intimidé. J’ai pas de parents, alors… – Toujours les mêmes histoires, marmonna un vieux Monsieur, pour vous faire pleurer ! – Humpfrey, fit Monsieur Munsey, senior. Nous connaissons votre aversion pour les classes populaires, mais laissez-moi conduire cet entretien. Alors, Tom, il paraît que tu es un fin observateur, et que tu as une bonne mémoire ?
Tom ne sut pas quoi dire. Monsieur Munsey, junior, vint à sa rescousse et dit à son oncle :
– Comme je vous l’ait dit, Monsieur. Une excellente mémoire, et il n’embellit pas ses récits, contrairement à d’autres… – Et en particulier les voyous des rues, reprit le vieux Humpfrey. Voleurs, menteurs et compagnie ! – Humpfrey… le sermonna le grand patron. Tom, nous avons quelque chose à te proposer. Mon neveu, ici présent, se propose de te prendre comme assistant.
– Nous te paierons des leçons pour apprendre à écrire, dit Monsieur Munsey junior, visiblement enthousiaste. Tu porteras mon sac, tu transmettras des messages, tu te posteras en observation là où je te dirai, et tu me rapporteras tous les faits et gestes des personnes que je te désignerai. Tu continueras à vendre des journaux, mais uniquement pour masquer ta vraie activité…
– Un jeune garçon attire moins l’attention, reprit le grand patron. Quelqu’un de mieux éduqué – pardon – ne se fera jamais passer pour un gamin des rues. Or, nous avons besoin d’informations. Certaines informations ne s’obtiennent que par la patience, et l’observation…
– Et il nous faut, reprit Monsieur Munsey, Junior, quelqu’un de ton âge doté de ces deux qualités, qui rapporte les faits qu’il observe sans rien ajouter. Je t’observe depuis des mois, je t’ai testé, tu nous conviens. Si tu es d’accord… – Parlons des conditions, dit le grand patron.
Le vieux Humpfrey murmura sa désapprobation :
– Gâchis impensable, les autres vont se prendre à rêver…
– Merci Humpfrey, dit Monsieur Munsey senior pour le faire taire. Tom, nous te proposons de dormir dans une petite chambre avec lavabo, dans l’atelier, c’est simple mais chauffé. Une tenue complète chaque année, et trois cents par jour. Tu peux garder ce que tu portes, et tu auras accès à la salle de bain une fois par semaine. Tu mangeras le midi à la soupe des employés. Un plat chaud unique chaque jour.
Tom ne put empêcher ses larmes de couler. Dormir au chaud ! Jeter ses vêtements crasseux bourrés de vermine qui le grattaient du matin au soir ! Pouvoir se laver ! Manger chaud tous les jours ! Il pleura sans retenue et sans cacher ses larmes, puis s’essuya les yeux avec une manche de veste. Ce que voyant, Monsieur Munsey, junior, lui jeta un mouchoir tout doux, tout neuf. Il se calma, s’essuya bien les yeux, et dit d’une voix rauque :
– Et mes camarades ?
Il crut voir une grande fierté dans le regard de Monsieur Munsey, junior, et son oncle déclara :
– Tom, tu es tel que mon neveu t’a décrit. Je ne peux pas tout changer, tout de suite. Pour tes camarades, tu seras un exemple… Le signe qu’on peut évoluer. Tu aideras mon neveu à prendre les mesures nécessaires pour améliorer un peu votre sort. Je le nomme responsable des newsboys.
Monsieur Munsey, junior, fut surpris par la remarque, mais son oncle se tourna vers lui et lui dit :
– Tu voulais faire œuvre sociale, mon ami, réjouis-toi ! Te voilà à la tête d’une armée de va-nu-pieds !
Monsieur Munsey, junior, eut alors un de ses rares sourires et dit :
– Mon oncle, je relève ce défi. Je ne doute pas qu’avec du temps, de la patience, un peu d’éducation, on puisse faire quelque chose de ces garçons !
Et, de fait, à la suite de Tom, les newsboys du New-York Press, en ces années terribles de la fin du XIXe siècle, devinrent la bande de garçons des rues la mieux organisée que l’on n’ait jamais vue. Vendeurs, coursiers, observateurs, informateurs, ils permirent au journal de se développer… et de racheter des concurrents.
Le News York Press fut épargné par la grande grève des newsboys de 1899. Le jeune Tom, bien des années plus tard, devint un journaliste respecté. Et Noël devint même sa période préférée.
https://lecheminversnoel.fr/episode-3-le-noel-de-tom-une-vie-nouvelle/
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| | | Espérance
Nombre de messages : 3945 Age : 78 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 09/05/2011
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Jeu 19 Déc - 21:24 | |
| Un miracle de Noël
Lorsque deux vieillards un peu aigris se laissent toucher par l’esprit de Noël…
Il était une fois une ville si minuscule qu’elle ne comptait qu’une seule rue bordée de petites maisons toutes semblables les unes aux autres. Au milieu de cette rue, sur le trottoir de gauche, une maison était cependant plus grosse et plus haute que ses voisines.
C’était celle d’Armand, un homme grognon et solitaire. Et sur le trottoir d’en face, il y avait aussi une autre demeure plus grande et plus longue que toutes les autres. C’était là que vivait Léopold, un vieux bougon qui n’avait pas d’amis. On raconte que Léopold était très riche. Aussi riche que son voisin Armand.
Armand et Léopold se détestaient. Ils ne se parlaient jamais, ne se saluaient pas non plus et s’évitaient dans la rue. En revanche, ils s’espionnaient jour et nuit. Quand l’un faisait quelque chose, l’autre s’empressait de faire mieux pour se sentir important.
Noël approchait et les deux hommes se disputaient pour avoir la plus belle maison de la ville. Si Léopold accrochait une guirlande à sa porte, Armand en posait deux. Quand Armand plantait un sapin dans son jardin, Léopold en achetait un plus grand. Cela n’en finissait jamais !
Cette année encore, la maison de Léopold était toute décorée de guirlandes lumineuses. De l’autre côté de la rue, celle d’Armand brillait comme un flocon de neige dans la nuit de Noël sombre et sans étoiles.
– Comme c’est beau ! s’émerveillaient les enfants en passant.
Mais la joie des petits ne touchait pas le cœur froid des deux hommes. Armand gardait l’œil rivé à sa longue-vue pour observer Léopold. Quant à Léopold, il espionnait Armand à travers ses jumelles. Parfois, leurs regards se rencontraient par lunettes interposées. Alors ils clignaient vite des yeux et détournaient la tête.
Le soir de Noël, Armand enfila sa longue robe de chambre et ses chaussons fourrés. Il n’avait pas prévu d’aller à la messe de minuit, encore moins de voir des amis. Il était content de rester tout seul, chez lui, bien au chaud. Mais soudain quelqu’un frappa à la porte.
– Qui est-ce ? bougonna Armand sans même ouvrir.
La voix d’un petit garçon lui répondit :
– Pardon, Monsieur, j’ai faim et froid. Pourriez-vous m’accueillir chez vous ? – Passe ton chemin, le renvoya Armand. Je ne veux pas de mendiant chez moi. L’enfant soupira tristement, fit demi-tour, traversa la rue et s’arrêta devant la maison de Léopold. Le garçonnet leva sa petite main rouge de froid et tira la sonnette.
– Qui va là ? tonna Léopold à travers la porte. – Pardon, Monsieur, j’ai faim et froid.Pourriez-vous m’accueillir chez vous ?
Léopold n’avait aucune envie d’être dérangé. Un bon repas l’attendait et il comptait se coucher tôt. Il allait renvoyer l’enfant quand ce dernier reprit :
– Votre voisin n’a pas voulu de moi. Peut-être serez-vous plus aimable ?
Une lueur s’alluma dans les yeux de Léopold. S’il faisait entrer cet enfant, il passerait pour un homme meilleur que son voisin ! Cette simple idée le ravit.
– Entre, dit-il alors en ouvrant la porte.
Caché derrière le rideau de sa fenêtre, Armand blêmit.
« Tout le monde va admirer Léopold maintenant, pensait-il. On dira qu’il est un homme bon ! Je dois faire quelque chose… »
Il scruta la rue de sa longue-vue et vit alors une fillette pauvrement vêtue qui marchait dans la neige. Armand courut ouvrir la porte de sa grande maison.
– Viens donc te mettre au chaud ! lança-t-il à l’enfant. La pauvre petite grelottait. Elle accepta aussitôt. – Allons, dépêche-toi ! râla Armand. Tu refroidis ma maison.
Lorsqu’il referma la porte, une petite étoile s’alluma dans la nuit noire. Léopold, qui ne quittait jamais ses jumelles, vit ce que son voisin venait de faire. Il ne voulut pas être en reste.
– Approche-toi du feu, dit-il à l’enfant. Tu pourras te réchauffer.
Sa voix était forcée, un peu rude. Il n’avait pas l’habitude de parler gentiment, et encore moins aux enfants.
Mais le petit garçon sembla ne pas s’en rendre compte. Il sourit, s’approcha du feu et tendit ses mains vers les flammes.
Sa peau reprit des couleurs tandis que Léopold retournait à sa fenêtre, ses jumelles sur le nez.
Alors, une nouvelle étoile éclaira la nuit noire.
Au même moment, dans la maison d’en face, Armand apportait une couverture de laine bien chaude à sa petite invitée. La fillette caressa le tissu en riant.
– Comme c’est doux ! s’écria-t-elle.
Ses joues étaient redevenues roses. Armand toussa, un peu gêné, regarda ses pieds, et retourna à sa longue-vue pour retrouver son assurance.
Comme il la pointait sur la maison de son voisin, il ne vit pas qu’une autre étoile venait de se mettre à briller dans le ciel.
Quand Léopold vit la fillette emmitouflée dans sa couverture, il courut chercher son plus beau manteau de fourrure et le posa sur les épaules du petit garçon. Le manteau était lourd et trop grand, mais l’enfant était heureux.
– Merci Monsieur, murmura-t-il en regardant Léopold dans les yeux.
Le vieux ronchon rougit sous ce regard très doux. Il attrapa alors ses pinces et attisa le feu pour retrouver un peu de contenance. Des étincelles enflammées s’envolèrent dans la cheminée. Elles montèrent jusqu’au ciel pour y allumer quelques étoiles.
– J’ai faim, s’il vous plaît, murmura le petit garçon après un long moment.
Tout d’abord, Léopold voulut refuser : il en avait fait suffisamment pour ce mendiant. Mais il pensa à ce que les gens diraient s’il était moins accueillant que son voisin Armand. Il se ravisa. Il assit le garçonnet à sa place et déposa devant lui des mets délicieux : une assiette remplie de tranches de rôti et de pommes de terre savoureuses, des clémentines et des papillotes en chocolat. L’enfant dévora tout tandis que Léopold le regardait. Il se sentait… un peu bizarre.
Bien sûr, Armand vit le festin de Léopold dans sa longue-vue. Il abandonna aussitôt son poste d’observation et pria sa petite invitée de se mettre à table. Il lui servit un gros morceau de dinde et son jus délicieux, quelques châtaignes fondantes et des tartelettes à la confiture.
Armand observait la fillette manger avec appétit. « Depuis combien de temps n’a-t-elle pas eu un bon repas ? » se demanda-t-il. Dans le ciel au-dessus de la maison, une étoile toute neuve scintilla.
Après le dîner, la fillette se pelotonna dans un gros fauteuil et regarda le sapin dressé dans le salon. Au pied de l’arbre, il y avait des dizaines de paquets.
– Pour qui sont ces cadeaux ? demanda-t-elle – Pour moi, marmonna Armand. – Et qui vous les a faits ? – Eh bien, moi !
Chaque année, Armand s’offrait des cadeaux à lui-même, puisque personne ne lui en faisait. La fillette les contempla avec envie.
– Tiens ! lui dit alors Armand en lui tendant un paquet.
Sa main tremblait un peu. Son sourire était maladroit. C’était la première fois qu’il offrait un cadeau à quelqu’un. La petite fille dénoua le ruban de la boîte et découvrit une belle cravate brodée.
– Hum ! s’excusa Armand. Ce n’est pas vraiment un cadeau pour toi ! – Ce n’est pas grave, c’est joli, répondit l’enfant.
Elle noua la cravate dans ses cheveux et se regarda dans le miroir.
– Comment me trouvez-vous ? demanda-t-elle en souriant. Armand ouvrit de grands yeux étonnés et rougit. – Bien, très bien ! lança-t-il d’une voix mécanique.
Puis, pour cacher son trouble, il se précipita vers sa longue-vue et reprit son espionnage.
Mais où était donc passé Léopold ? Il n’était plus dans le salon. Le petit garçon était seul. Bientôt, Léopold reparut, les bras chargés de boîtes qu’il venait de descendre du grenier. Lui aussi allait faire un cadeau à son invité, mais il s’y prendrait mieux que son voisin. Léopold posa les boîtes sur le tapis du salon et les ouvrit une à une. Au milieu du papier de soie, le petit garçon découvrit une locomotive, des wagons et des rails par dizaines.
– Un train électrique ! s’extasia-t-il.
Ses yeux se remplirent d’étoiles aussi nombreuses que celles qui apparurent tout à coup dans le ciel.
– Le chameau ! grommela Armand en refermant sa longue-vue d’un coup sec. Il attrapa la main de la fillette et l’entraîna jusqu’au grenier. Il y avait là mille trésors, il réussirait bien à lui trouver quelque chose !
– Ça ! s’exclama la petite fille.
Elle lui montrait un violon dans son étui usé. Elle l’attrapa, le coinça sous son menton et se mit à jouer doucement. C’était si beau qu’Armand en eut les larmes aux yeux. « Ressaisis-toi, Armand ! », se sermonna-t-il.
Les notes de musique s’élancèrent vers le ciel et s’y accrochèrent pour former des étoiles. Quand il entendit la musique chez son voisin, Léopold tendit l’oreille. Il se leva et se gratta la tête pour se souvenir de l’endroit où il avait caché sa trompette.
– Vous jouez avec moi ? lui demanda alors le petit garçon en lui tendant un wagon.
Léopold hésita, il n’aimait pas laisser Armand prendre l’avantage. Mais l’enfant insista et Léopold s’agenouilla près de lui pour une longue partie de train électrique.
Au-dehors, une étoile traversa le ciel en brillant.
Comme la partie durait, le petit garçon se mit à bâiller. Ses yeux le picotaient. Sa tête devenait lourde. Il avait sommeil. Et puis, tout à coup, il s’affaissa doucement sur le tapis moelleux.
Léopold resta planté là un moment, sans trop savoir quoi faire. Puis il saisit le petit garçon, le souleva dans ses bras et aller le coucher dans son lit, sous sa couette douce et chaude.
L’enfant dormait et Léopold le regardait. Il en avait oublié ses jumelles. Il ne pensait plus à Armand. Il se sentait heureux et cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. De l’autre côté de la rue, Armand aussi avait laissé tomber sa longue-vue. La petite fille avait terminé son long morceau de violon. À présent elle dormait, allongée sur le canapé du salon. Ses joues étaient toutes roses. Un sourire flottait sur ses lèvres, Armand pensa qu’il n’avait jamais rien vu d’aussi beau depuis des années.
Dehors, des centaines d’étoiles éclairèrent la nuit.
Alors, les cloches de la petite église nichée au bout de la rue se mirent à sonner à toute volée. Elles appelaient les hommes, les femmes et les enfants à venir célébrer la naissance de Jésus.
Le petit garçon se réveilla en sursaut. Il se redressa dans son lit et voulut se lever. – Que fais-tu ? lui demanda Léopold. – Je dois aller à la messe de Noël ! – Tu es beaucoup trop fatigué, le gronda gentiment Léopold. – Mais je dois… insista l’enfant en se rendormant déjà. – Reste au chaud, lui souffla alors Léopold. J’irai pour toi et je te raconterai.
Le petit garçon sourit dans son sommeil.
Chez Armand, la fillette ouvrit les yeux à l’appel des cloches. Elle regarda l’homme assis dans un grand fauteuil et qui veillait sur elle.
– Dépêchez-vous ! lui dit-elle. La messe va commencer. – Mais je ne…, maugréa Armand. – Allons, l’encouragea la petite fille avec un grand sourire. Levez-vous ! Il ne faut pas être en retard pour accueillir Jésus.
Armand allait riposter. Au lieu de cela, il se leva, ouvrit la porte de sa maison et courut presque jusqu’à l’église.
Un murmure étonné accueillit Léopold quand il entra dans l’église. Cela faisait si longtemps qu’il n’y était pas allé.
Et quand Armand arriva à son tour, une longue rumeur traversa la foule. On le trouvait changé.
La messe commença et Léopold sentit une grande douceur envahir son cœur. Il souriait. Il se tourna vers Armand et aperçut son vieil ennemi de toujours qui grelottait dans sa robe de chambre et ses chaussons mouillés de neige. Léopold s’approcha, dénoua sa riche écharpe de laine et la posa sur les épaules de son voisin. Armand le regarda et sourit à son tour.
– Merci ! dit-il simplement.
Dehors, le ciel s’illumina de milliers d’étoiles.
En sortant de la messe, Armand et Léopold se pressèrent pour retrouver les enfants. Mais le grand lit de Léopold était vide. Le petit garçon avait disparu ne laissant derrière lui qu’une minuscule plume sur l’oreiller. Et quand Armand entra dans son salon, il ne vit plus personne sur le canapé. La fillette était repartie aussi mystérieusement qu’elle était apparue.
Armand s’assit sur le canapé. Il avait le cœur lourd tout à coup. Le silence de sa grande maison l’étouffait. Il aperçut alors une petite plume blanche qui avait glissé sur le tapis. Il se pencha pour la ramasser et se releva d’un bond. Il ne supportait plus cette vie triste et solitaire.
Il attrapa quelques cadeaux sous le sapin, ouvrit la porte de chez lui et traversa la rue dans ses chaussons mouillés. En arrivant devant la maison de Léopold, il sonna sans hésiter. Il ne voulait plus fêter Noël sans ami. Lorsque Léopold ouvrit à Armand et le fit rentrer chez lui, la nuit était plus illuminée que jamais.
Et tout là-haut, juste au-dessus de la grande maison de Léopold, deux petites étoiles se mirent à briller plus fort que toutes les autres.
https://www.famillechretienne.fr/vie-chretienne/noel-avent/conte-de-noel-un-miracle-de-noel-229400 |
| | | Azur
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| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Jeu 19 Déc - 21:49 | |
| Ah, tu l’as recopié? Tu as bien fait! Tiens, j’en ai un autre que je n’ai pas encore mis, en prime! Conte de Noël – Les 2 sapins des Galeries Farfouillettes
Il était une fois deux sapins cousins. Ils poussaient, voisins, dans une grande forêt des Vosges, mais ils avaient du mal à se comprendre l’un et l’autre. Noël approchait. On les coupa, puis on les transporta jusqu’à la Capitale. Là, ils vécurent chacun un destin bien différent.
Comme il était fier, le grand sapin des Galeries Farfouillettes, en cette veille de Noël. Il était le plus beau, le plus haut, le plus admiré des sapins de toute la France. On venait même du Japon pour le contempler. Il faisait presque de l’ombre à la tour Eiffel, ce « sapin » de fer !
Bombant son tronc de satisfaction, gonflant ses épines de contentement, le grand sapin trônait dans le hall illuminé d’un des plus célèbres magasins du monde. Sa ramure atteignait presque l’immense verrière qui fêtait, cette année 2012, son centenaire. C’est pourquoi on l’avait choisi, lui, le plus beau, le plus haut : afin de célébrer cet anniversaire hors pair.
Le grand sapin se souvenait très bien de la visite, il y a quelques semaines, d’un monsieur stressé, en costume-cravate, dans sa forêt natale des Vosges, près du village d’Isches. C’est là qu’il avait poussé, le grand sapin, à côté de milliers d’autres congénères. Mais il avait vite cherché à faire la différence d’avec tous ces voisins communs.
Surtout, il avait du mal à supporter l’un de ses cousins – ah, les familles nombreuses, quelle plaie ! Celui-ci était un sapin malingre qui essayait de pousser à ses pieds, et ne cessait de l’embêter avec des réflexions idiotes, du genre : « Toi qui es grand, contemple les nuages roses pour moi ! » Ou bien : « Entends-tu la merveilleuse symphonie des oiseaux ? » Ou encore : « Sens-tu la caresse de la brise dans ton feuillage ? » Le grand sapin lui répondait, agacé, de toute sa hauteur : « Tu es un nigaud, cousin racho [rachitique – Ndlr]. Aussi bête qu’un poète ! Je n’ai pas le temps de goûter le présent : je travaille à l’avenir, moi. Je me prépare une carrière internationale ! »
En fait, le grand sapin n’avait qu’une idée en tête – et en son faîte – : quitter cette forêt de province et monter à la Capitale pour être élu enfin « Mister Sapin n° 1 ». Pour cela, il avait pris tous les moyens. Sans beaucoup de scrupules, il avait écrasé ses congénères. Et n’avait guère laissé beaucoup d’herbe, ni beaucoup d’air, à son cousin maigrichon qui tentait de survivre dans son ombre.
Or ce rêve se réalisait ! Le grand sapin s’en souvenait très précisément : dès que le Parisien à lunettes l’avait aperçu, il avait pointé le doigt vers sa ramure altière : « Lui, oui ! C’est lui ! » Les mocassins du petit homme pressé s’enfonçaient dans la neige ; il époussetait ses épaules blanches de poudreuse. Il était hystérique mais catégorique : « C’est lui que je veux ! », criait-il. Le bûcheron vosgien qui l’accompagnait répondit : « C’est un bon choix. C’est mon plus beau… et c’est mon plus cher. Je vous le livre dans trois jours avec mon camion ». Le forestier avait ajouté : « Vous ne voudriez pas, pour vos enfants, le petit sapin, son voisin ? Je vous l’offre. »
Le directeur des Galeries Farfouillettes – car c’était lui ! – avait rétorqué avec une moue de dédain : « Vous plaisantez, l’ami ! Mes enfants valent mieux que ça. Vite, raccompagnez-moi à la gare, je vais rater mon TGV pour Paris ! » Le bûcheron revint le lendemain avec sa tronçonneuse. Il coupa le tronc du grand sapin – cela fit mal, mais ne fallait-il pas souffrir pour être beau ? Puis l’homme dit au maigrichon : « Je ne pourrai jamais te vendre… Allez, je te coupe aussi, et tu files, gratis, à Paris. Peut-être feras-tu le bonheur de quelqu’un ? »
C'est ainsi que les deux cousins se retrouvèrent, un beau matin de décembre, sur le trottoir du boulevard Haussmann, devant les Galeries Farfouillettes. Le grand sapin fut transporté avec mille précautions dans le magasin. Puis, il fut orné par un célèbre bijoutier de (faux) diamants étincelants. Et enfin, érigé au cœur du grand hall, dressé sous la coupole de verre.
Tout le personnel des Galeries, massé aux balcons, s’exclamait « ah », « oh », « aaaaah, qu’il est bôôôô ! ». Des centaines de Japonaises le photographiaient, en poussant des « ying » de stupéfaction et des « yang » d’admiration.
Le petit sapin, lui, fut abandonné sur le trottoir, au milieu des files d’enfants qui venaient admirer les vitrines animées. Une fillette roumaine qui mendiait, surveillée par un gros bonhomme assis par terre, commença à lui caresser les branches. Son oncle la rappela sévèrement à l’ordre : « Katia, arrête de jouer ! Il faut ramener du pognon si tu veux dîner ce soir ! »
À cet instant, un homme au ventre rebondi et à la moustache grise s’arrêta devant la fillette, la regarda avec douceur, et glissa une pièce dans son gobelet en carton. Puis il ramassa le sapin qui gisait à terre, le coinça sous son bras, et s’enfonça dans la foule. Cet homme était portugais ; il se nommait Benito Rodriguez. Il était sacristain à Saint-Louis d’Antin, l’église voisine. Noël approchait. C’était la fin de l’Avent. Le quartier des grands magasins brillait de mille feux. Aux Galeries Farfouillettes, c’était la fièvre des emplettes. Des flots de gens se croisaient, sans même se voir, pour faire leurs derniers achats.
Pendant ce temps, Benito Rodriguez, lorsqu’il avait fermé les larges portes de son église, s’asseyait dans la sacristie, étendait du papier journal sur le sol, et émondait le petit sapin. Cela signifie qu’il lui arrachait les branches et le dénudait de son écorce.
Pour l’arbre, c’était une torture. Il avait envie de crier de douleur. Il savait qu’il n’était pas beau, et que jamais les enfants n’iraient chercher des cadeaux à son pied. Certes, il avait admiré le jeu du soleil dans les ramures, écouté la symphonie du vent et le concerto des oiseaux.
Mais il n’avait pas réussi sa vie, comme ce glorieux cousin qui paradait à quelques centaines de mètres de lui. Il était bien temps que tout cela s’arrête – et pour toujours. Mais pourquoi fallait-il mourir en souffrant de la sorte ? Et pourquoi cet homme le triturait-il ainsi avec son canif ?
Le jour de Noël, Monsieur Rodriguez n’eut pas le temps de se remettre à l’ouvrage car les messes se succédèrent les unes aux autres. Mais dès qu’il traversait la sacristie, il caressait le morceau de bois qu’il avait placé sous le crucifix.
Quinze jours plus tard, la veille de l’Épiphanie, le grand sapin des Galeries Farfouillettes vit trois hommes en bleu de travail s’approcher de lui avec une échelle. Ils lui retirèrent toutes ses parures, ses diadèmes, ses lumignons, puis le couchèrent à terre.
« Que font-ils ? s’interrogea l’arbre, surpris. Ils vont certainement m’emmener à l’Élysée afin d’orner le salon de réception du Président où aura lieu le goûter de la galette ! » Sur ce, les hommes en bleu le sortirent sans ménagement sur le trottoir. Que se passait-il donc ? Plus personne ne le regardait. La foule, s’écoulait, indifférente ; les voitures klaxonnaient mais ce n’était pas pour applaudir sa prestance.
Alors qu’on le portait vers une remorque qui faisait un bruit étrange, le grand sapin aperçut un homme rondouillard, à la moustache grise, qui s’approchait d’une fillette. Celle-ci mendiait devant les Galeries Farfouillettes. Le moustachu lui tendit un paquet. Un petit paquet enrobé dans du beau papier entouré d’un ruban rouge. Les yeux noirs de la petite fille s’arrondirent comme des soucoupes : on ne lui avait jamais offert de cadeau.
Elle retira le ruban, puis le papier, et sa bouche dessina un « oh » de stupéfaction. Elle tenait dans ses mains sa première poupée… Une drôle de poupée, d’ailleurs : c’était une femme avec un bébé dans les bras.
Au fil de l’Avent, chaque soir, tout en récitant son chapelet, Benito Rodriguez avait sculpté dans le tronc du sapin maigrichon une Vierge à l’Enfant : Marie portant Jésus.
La fillette murmura « merci » dans un souffle de givre, et serra la statuette tout contre elle. Des larmes coulèrent sur ses joues : pour la première fois de sa vie elle pleurait de bonheur. « Ces larmes brillent plus que tous les faux diamants de la Terre ; ô combien, elles sont un trésor plus précieux ! », songea le grand sapin. Ce fut sa dernière pensée avant de mourir débité en allumettes dans l’énorme broyeuse garée derrière l’Opéra Garnier. https://www.famillechretienne.fr/vie-chretienne/noel-avent/nos-meilleurs-contes-de-noel-182981/conte-de-noel-les-2-sapins-des-galeries-farfouillettes-182984 |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Ven 20 Déc - 12:52 | |
| Episode 1 : Bastien et le nouveau
Cela faisait maintenant un an qu’Alexis vivait à la Réunion, rejoignant un père qu’il n’avait pas vu depuis sa petite enfance, son épouse Rose, et leurs deux enfants, Titouan et Mélissa.
Les deux jumeaux avaient à présent neuf ans, et Alexis treize. Ils étaient nés sur l’île, mais on aurait dit qu’Alexis aussi : il avait peu à peu intégré tous les codes, ou presque. Il s’était très bien habitué à cette société multicolore, où on croisait des temples hindous au coin de la rue et des processions de religions dont il ignorait l’existence avant de venir ici. La société réunionnaise était jeune, très jeune, et cela donnait à l’île un esprit de fraîcheur et d’enthousiasme à nul autre pareil.
Oh, bien sûr, il y avait des choses désagréables, comme les chiens errants, ou encore les embouteillages matin, midi et soir sur la route du littoral. « Il y a plus de voitures que d’habitants » disait son père en râlant chaque fois qu’ils patientaient pare-chocs contre pare-chocs.
Ses deux meilleurs copains d’école étaient très différents l’un de l’autre. Tom, musclé, bronzé, surfeur et fils de surfeur, rêvait de chasse aux requins pour sécuriser les côtes. Mathieu, maigrichon, pâle, fils d’un écologiste local, exigeait le respect des requins et parlait de la responsabilité des hommes dans les différentes attaques…
Alexis mettait toute son énergie à changer de conversation si un aileron pointait à l’horizon d’une conversation… Mais, hormis ce sujet délicat, ils s’entendaient sur tout, ou presque. Les trois amis avaient une passion commune, qui les occupait souvent : ne rien faire, mais ensemble.
Pour l’heure, Alexis avait surtout hâte de les retrouver, après les vacances de l’hiver austral, qui se terminaient le 16 août. Oui, parce que bon, de l’autre côté du globe, les saisons étaient inversées… ça aussi il avait fallu s’y habituer !
Dans la cour du collège, vêtu de neuf et un sac Westpack rutilant sur le dos, Alexis chercha du regard ses deux amis. Il les aperçut dans la foule des collégiens et collégiennes surexcités de se retrouver, et se dirigea vers eux. Un sourire se dessina sur ses lèvres : ils étaient en grande conversation. Tom rejetait la tête sur le côté toutes les trente secondes pour chasser les mèches blondes qui lui masquaient les yeux, il était bronzé comme tout. Mathieu était pâle comme un linge sous ses cheveux roux en bataille. Il avait dû passer les vacances le nez dans son herbier, à s’extasier devant des feuilles séchées.
– Eh ! lança Alexis ! Vous avez déjà rencontré le nouveau ou pas ?
Ses deux amis stoppèrent net leur échange. L’île voyait sa population grandir d’année en année, et c’était toujours un plaisir de voir une nouvelle tête. Et peut-être, un tout petit peu, éventuellement, de lui faire des blagues, oh, juste comme ça. Un sourire faussement cruel apparut sur les lèvres de Tom et il dit :
– Un nouveau ! Chouette ! On a été trop tendres avec toi. On va lui faire des blagues géniales. Celui-là, on va le faire courir !
Alexis sourit. Il se souvenait être allé demander chez le proviseur des entrées gratuites pour le cirque de Mafate, et avoir eu l’air bien bête. Le cirque en question n’était pas un chapiteau avec clowns et acrobates, mais le nom d’une haute vallée sur les flancs du Piton des neiges…
Une voix retentit derrière eux :
– Ça va pas être facile de me faire courir ! Mais bon, je veux bien subir vos blagues si ça vous fait plaisir.
Les trois amis se retournèrent d’un bloc et aperçurent un garçon de leur âge, souriant et bronzé, les cheveux bruns courts, des yeux bleus pétillants, qui avait l’air amusé… bien qu’il soit assis dans un fauteuil roulant. Son sac – un Westpack, nota Alexis qui ne jurait que par cette marque – était attaché derrière le dossier.
Les trois amis se sentirent bêtes au possibles – et s’enfuirent en courant à l’autre bout de la cour. Essoufflé et les joues rouges, Alexis parla le premier :
– Quelles andouilles on fait ! Pourquoi on a fui ? – Je sais pas, dit Tom, c’est toi qu’as commencé, j’ai suivi ! – Qu’est-ce qu’il va penser ? demanda Mathieu. – La honte… reprit Alexis.
Il se retourna et aperçut, au milieu de la marée d’élèves, à l’autre bout de la cour, le nouveau qui regardait dans leur direction. Il baissa les yeux.
Le soir au dîner, comme il jouait avec sa fourchette sans vraiment rien avaler, maman Rose lui dit :
– Allons, Alexis, qu’est-ce qui t’arrive ?
Il aimait la façon dont elle prononçait son prénom. Pour les autres, il était Alex, Al ou même Lex – comme le méchant dans Superman ! Mais elle refusait obstinément les diminutifs, et l’appelait par son prénom entier. Cette femme, qui n’était pas sa vraie maman, avait pris une grande place dans sa vie, toute en attention exigeante et en délicatesse. Il lui répondit donc sans rien cacher, parce qu’il avait confiance :
– Avec les copains, on a fui devant un nouveau qui es en fauteuil. On voulait lui faire des blagues, pis on s’est dit qu’on pouvait pas, parce qu’il est en fauteuil, mais en même temps on l’évite parce qu’on a peur de dire des bêtises qui lui feraient de la peine, enfin on ne sait pas comment lui parler, parce que… parce qu’il n’est pas comme nous…il est pas comme nous parce que…
– …Il est en fauteuil, compléta maman Rose.
– Voilà ! dit Alexis, comme si cela avait du sens. Voilà !
– Il vient d’une autre planète ? demanda Titouan faussement étonné. Il a des ventouses à la place des oreilles ?
– Quoi ? demanda Alexis, surpris. Ben non bien sûr ! Il est de Lyon, je crois.
– Alors il est comme nous, conclut, imparable, Mélissa en le fusillant du regard.
Alexis resta bouche bée, puis rougit. Les deux plus petits venaient de lui donner une leçon ! Rose sourit. Elle n’avait rien à ajouter. Elle ne doutait pas que son nouveau garçon – comme elle appelait Alexis quand il n’était pas là – allait maintenant trouver la solution…
Pourtant, le premier trimestre s’écoula sans que rien ne change – les trois amis étaient toujours mal à l’aise avec leur camarade de classe en fauteuil, et ne lui adressaient presque jamais la parole, simplement parce qu’ils ne savaient pas vraiment quoi lui dire. Fallait-il le plaindre ? Faire comme de rien n’était ? Pas facile…
https://lecheminversnoel.fr/episode-1-bastien-et-le-nouveau/
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| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Sam 21 Déc - 15:59 | |
| Episode 2 : Bastien et la société secrète
Bastien soupira. La voisine venait encore de parler plus fort et plus lentement en s’adressant à lui. Il avait l’habitude : en le voyant en fauteuil, beaucoup de gens lui parlaient comme à un petit enfant, ou alors plus fort, comme s’il était malentendant. Et quelles n’étaient pas leurs réactions quand il se mettait debout pour quelques pas maladroits ! Il n’essayait plus d’expliquer sa maladie, qu’il pouvait faire certaines choses, pas d’autres, que ses jambes étaient faibles, un peu déformées, qu’il avait des moments de grande fatigue, et d’autres où il rêvait de courir ou de gravir les montagnes ! Ce soir-là, il se sentait seul, et ne cessait de repenser aux garçons qu’il avait rencontrés le premier jour. Il avait essayé de les revoir, de leur parler, mais ils semblaient gênés en sa présence.
Il soupira et ferma les yeux. Le vent était doux et chaud sur sa peau, n’eût été son handicap il avait une vie acceptable, ici.
Papa s’occupait d’une grande compagnie de gestion des déchets. Maman avait gardé son activité d’écriture de contes pour enfants. La maison était belle, pas trop grande, tout au même niveau avec une grande terrasse, et même une piscine.
Il rougit en songeant à la première sortie piscine avec la classe. Un moniteur s’était jeté à l’eau en croyant qu’il se noyait, parce qu’il nageait différemment des autres, ses jambes presque immobiles, et l’avait ramené de force sur le bord. Bastien avait pleuré de rage et de honte devant tout le monde, expliquant entre deux hoquets qu’il avait beau être comme il était, il adorait nager et que c’était injuste de lui faire ça. Les élèves avaient marmonné entre eux en le regardant avec ce regard qu’il détestait tant, celui qui lui donnait l’impression d’être une chose laide qu’on prendrait en pitié.
L’autre chose qu’il détestait, c’était ces gens en pleine santé qui lui donnaient des leçons de motivation, ou qui le louaient pour son courage parce que « moi j’aurais pas pu ! » Ces bêtises le laissaient vide et triste.
Il retrouva le sourire en entendant le chant de ses lézards préférés. Ces bestioles étonnantes chantaient comme des oiseaux, et annonçaient la tombée de la nuit… à 18h. Oui, parce que, autre chose étrange de ce côté-là du globe, il faisait nuit à 18h, et en cinq minutes. L’expression « la nuit va tomber » prenait tout son sens !
Quelqu’un alluma la lumière dans la maison, et Bastien vit en transparence les angelots que sa maman avait peints sur les vitres pour préparer Noël. Noël ! Comment allait-il pouvoir vivre cette fête, que d’ordinaire il aimait tant, sans neige, sans sapin, sans amis ? Ça rimait à quoi de fêter Noël sous un soleil de plomb ? Il décida que sa vie était pourrie, finalement, et qu’il avait toutes les raisons du monde d’être triste. Il eut la gorge nouée et les yeux qui commençaient à picoter.
Son téléphone sonna. Il ne reconnut pas le numéro, se racla la gorge et décrocha :
– Hum… Allô ? – Bastien ? demanda une voix vaguement familière, peut-être quelqu’un de son âge. – Euh, oui, répondit-il. – Il est temps de rejoindre la Société Extraordinaire et Cool des Raconteurs Extravagants pas Tristes et Épatants ! – La quoi ? demanda Bastien, éberlué. – La société S.E.C.R.E.T.E ! Il comprit et se retint de rire. Il entra dans le jeu et demanda : – En suis-je digne ? – On verra, dit la voix. Rendez-vous ce soir 20h au Café de la place. Viens seul.
On raccrocha. Bastien resta muet quelques instants. Puis éclata de rire. Ça allait sûrement être passionnant !
Le soir, il sortit de la maison et roula sur les trottoirs de Saint-Leu, sous les lumières des lampadaires, en direction du fameux café. Il était tellement heureux qu’il oublia de râler contre les crottes de chien oubliées, les voitures mal garées, les entrées de parking trop creusées qui manquaient de le faire basculer, les trottinettes qui venaient de nulle part et le frôlaient en lui fichant une frousse pas possible, tous ces petits tracas du quotidien de qui est en fauteuil en ville. Le quartier était calme, ses parents lui faisaient confiance, et il leur avait bien dit où il allait. Il lui sembla même qu’ils n’étaient pas vraiment surpris de cette sortie.
Les décorations de Noël, qui quelques heures plus tôt encore lui semblaient totalement déplacées, lui apparurent comme joyeuses et tout à fait de saison. À l’entrée du café, un petit assis sur les marches se leva comme un ressort en l’apercevant, et lui fit signe de la tête de le suivre. Ils contournèrent la devanture, et entrèrent dans une ruelle pavée. Ouch ! ceux qui mettent des pavés dans les rues devraient les tester en fauteuil, pensa Bastien pour la centième fois de sa vie. Ça tuait le dos, ces trucs-là.
Un mur de chaque côté, des portes fermées, ça sentait le traquenard. Le gamin s’arrêta devant un portail ouvert, donnant sur un jardin luxuriant et sauvage, rendu mystérieux par la nuit percée de quelques lampes, et lui dit : – Suis le chemin. Puis il disparut.
Le cœur battant, Bastien glissa sur les dalles d’un petit chemin louvoyant entre des bosquets touffus, éclairé çà et là par des lanternes fichées dans l’herbe. Il y avait même de temps en temps une guirlande, un angelot ou une boule de Noël pour marquer le chemin, et cela donnait un air mystérieux à son parcours.
Enfin il atteignit une sorte de kiosque, dans lequel trois garçons l’attendaient, éclairés par des lampes tempêtes. Ils avaient tous les trois des chapeaux de Noël rouges sur la tête, ce qui leur donnait un air comique malgré leurs visages faussement durs et mystérieux. Il les reconnut comme ceux du premier jour au collège, et fut soulagé. Le plus grand des trois, aux allures de surfeur californien prit la parole. :
– Moi c’est Tom, voici Alexis et là, Mathieu. On a bien réfléchi, et on est désolés pour toi, mec.
Bastien sentit une boule au ventre. Ils n’allaient pas s’apitoyer sur son sort, oui lui sortir du « mon pauvre » ou autre truc déprimant !
– Ouais, on est désolés pour toi, dit Alexis, parce t’es aussi banal que nous. Bastien fut surpris par cette remarque et oublia ses craintes. Mathieu expliqua : – On t’a bien observé. Tu rigoles de tout et de rien. Des fois, tu te laves pas les mains aux toilettes. Ça t’arrive de te curer le nez, ou de pas faire des devoirs. Des jours, t’es cool, d’autres tu fais la tronche. Tu sembles te réveiller sur le coup des onze heures, en cours, et tu es tantôt surexcité, tantôt mou comme une serpillière au bord d’un seau.
– Je parie, dit Tom, que ta chambre est en désordre et que tu laisses traîner du linge sale. Parfois même, tu le remets par flemme. Bref, notre jugement est sans appel…
Il mit quelques secondes avant de dire, l’air le plus sérieux du monde :
– T’es comme nous, mec. Bienvenue au club. – Et c’est un club de quoi ? demanda Bastien. – De pas grand-chose dit Alexis en se grattant la tête. On cause. On traîne. On boit et mange trop gras, trop sucré, trop salé. On se raconte des exploits imaginaires. On se prête des trucs. On joue à la console et nos parents râlent parce qu’on reste enfermés quand il fait beau. Tout, rien, tu vois. Y’a même pas de devise ou de serment. – Trop fatigant, dit Mathieu. – Ça me va, dit Bastien, le cœur débordant de joie. Ça me va !
Il sentit une larme couler, mais il n’en eut pas honte et n’essaya même pas de l’essuyer. Les trois autres eurent d’un seul coup les yeux qui piquent.
Pour couper court à leur émotion, Alexis sortit un quatrième chapeau de Noël d’un sac et le lui posa solennellement sur la tête, comme s’il était la reine d’Angleterre sacrant un nouveau chevalier de la Couronne.
Ses nouveaux copains s’assirent par terre autour de lui, et se mirent à parler tous en même temps, lui racontant des trucs dingues qu’ils auraient aimé faire mais qu’ils ne feraient jamais, des blagues pas drôles et des choses ordinaires qui leur étaient arrivées. Des sodas trop frais et des snacks trop gras apparurent, et ce fut pour Bastien le meilleur des repas de Noël.
Et c’est ainsi que Bastien rejoignit la S.E.C.R.E.T.E, parce que bon, en fait, c’était un mec vachement normal.
https://lecheminversnoel.fr/episode-2-bastien-et-la-societe-secrete/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Dim 22 Déc - 16:31 | |
| Il était une fois… Fabiola, une histoire d’amour dans un vrai royaume
Fabiola de Mora y Aragon est née le 11 juin 1928 à Madrid, en Espagne – un pays au Sud de la France. Sixième sur sept enfants, elle grandit dans une famille de la vieille noblesse espagnole. Et vit la vie classique des enfants de familles fortunées : voyages, pratique des sports nautiques et de l’équitation, sorties dans la société. Tous les soirs, les parents de Fabiola réunissent les enfants et les domestiques pour une prière commune. Mais la situation politique de l’Espagne –une guerre civile éclate- oblige toute la famille à s’exiler en Suisse, puis en France et en Italie.
Fabiola poursuit ses études chez des religieuses et malgré l’exil, elle démontre une réelle joie de vivre. Elle devient polyglotte : parlant couramment en plus de l’espagnol, sa langue natale, le français, l’anglais, l’allemand et l’italien.
A son retour en Espagne, Fabiola suit une formation pour devenir infirmière et travaille à l’hôpital militaire de Madrid. Elle détestait les bals et sortait très peu. Elle est alors considérée comme difficile à marier et sa famille ne manque pas de lui faire remarquer qu’elle finira « vieille fille ». A l’époque, passé 30 ans, il était en effet assez mal vu de ne pas trouver d’époux.
Sa famille multiplie les tentatives pour lui trouver un mari, sans succès ! Fabiola s’en moque et ne facilite pas la tâche à sa famille, elle déclare même : « Jamais je n’épouserai un homme sans l’aimer. Ou alors j’entrerai au couvent. » Certains diront que le destin est bien fait car au même moment, dans un autre pays, en Belgique, la Cour cherche une femme pour le roi Baudoin. Baudoin semble « immariable » comme Fabiola…
Surnommé « le roi triste », il a eu une enfance difficile, marquée par les morts accidentelles de son grand-père Albert Ier de Belgique et de sa maman, la reine Astrid, aimante, douce et très aimée du peuple belge.
Il connaît lui aussi les routes de l’exil, la Seconde Guerre Mondiale et doit faire face brutalement à l’arrivée d’une belle-mère inconnue lors du remariage de son père. Baudoin accède au trône de Belgique, à seulement 21 ans, après la démission forcée de son père, et reste un jeune roi triste, seul, et perpétuellement assailli par des journalistes qui ne pensent qu’à lui inventer un mariage royal…
Comment une jeune femme espagnole, un peu vielle fille, et un roi belge triste ont-ils pu se rencontrer un jour et se marier ?
Fabiola et Baudoin n’ont jamais vraiment raconté leur rencontre. Quelle que soit la version, l’histoire est follement romanesque. Ils se rencontrent, secrètement, certainement par l’intermédiaire d’un cardinal belge et d’une nonne irlandaise. Pour Fabiola et Baudoin, déjà trentenaires, c’est un coup de foudre dès le premier regard… Après des mois de correspondances – ils s’écrivent des courriers enflammés sous les noms de code d’Avila et de Luigi – et une demande en mariage certainement à Lourdes, sous le regard de la Vierge, en septembre 1960, les fiançailles sont officielles.
Le mariage royal tant attendu est célébré le 15 décembre 1960 à Bruxelles et c’est l’un des premiers grands événements diffusés en direct à la télévision !
La Belgique tombe sous le charme de cette reine au grand cœur et découvre enfin que le roi Baudoin est capable de rire en public, ce qui n’est pas arrivé depuis son accession au trône…
Pendant 33 ans, Fabiola et Baudoin vivent une magnifique histoire d’amour sous le regard de Dieu. Tous les deux sont très pieux – ils croient fort en Dieu- et ils prient tous les jours. Le couple apparaît toujours complice et solide. La nouvelle reine des Belges s’adapte vite à son nouveau rôle, elle apprend le néerlandais et devient très populaire.
Leur vie à la tête du royaume est vouée au service des autres, des plus malheureux, comme de ceux touchés par des désastres nationaux. Fabiola et Baudoin rêvent d’une famille nombreuse.
Plusieurs annonces d’heureux événements laisseront la place à des espoirs déçus. Une tragédie touche la Reine Fabiola, elle ne peut donner d’héritier au trône. La foi de Fabiola et Baudoin leur permet d’accepter et de dépasser cette épreuve. Ensemble et fort de leur amour, ils font face et adoptent une attitude courageuse et inédite dans l’histoire de la Belgique.
Fabiola dit un jour : « Nous avons compris que notre cœur était plus libre pour aimer les enfants, absolument tous. ». La Reine multiplie les actions caritatives, en faveur des jeunes ou des femmes. Le couple mène une vie simple et décontractée et gère les affaires d’état tout en s’occupant des plus faibles.
Baudoin et Fabiola forgent ainsi l’image que chacun peut avoir d’un Roi et d’une Reine : toujours aimables, toujours la main dans la main, toujours présents, complices de chaque instant.
Cette image renforce l’attachement profond des belges à leurs souverains. La presse écrivit à l’époque que Fabiola fit de Baudoin le roi dont la Belgique avait besoin.
Par son sourire, sa tendresse et son enthousiasme, Fabiola avait rendu à Baudoin la joie dont il avait été privé enfant. En public comme en privé, le couple échangeaient sourires et gestes tendres. « Il y a mille manières d’aimer disait Fabiola. Plus nous découvrirons cet art merveilleux et essentiel, mieux nous comprendrons qu’aimer c’est servir, penser d’abord aux autres en oubliant ses propres peurs, partager sans cesse, donner la joie. »
Ce couple royal nous laisse un témoignage d’amour fort. Qui ne rêverait pas de vivre une telle histoire ?
Ce couple royal nous laisse un témoignage d’amour fort. Qui ne rêverait pas de vivre une telle histoire ?
https://lecheminversnoel.fr/il-etait-une-fois-fabiola-une-histoire-d-amour-dans-un-vrai-royaume/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mar 24 Déc - 17:10 | |
| Episode 1 : Amy : Londres Constantinople
C’est merveilleux ! C’est tellement intéressant !
Monsieur Burton prenait photo sur photo du paysage qui défilait à travers les vitres du train. Sa fille, Amy, dix ans, soupirait à fendre l’âme pour bien montrer que tout cela la laissait de marbre. Elle allait rater la fête de Noël à Londres, les illuminations sur Picadilly Circus, et le thé chez ses amies, toujours accompagné de montagnes de pâtisseries. Son père, photographe et archéologue, observait le monde, où qu’il soit, avec une curiosité sans limite et prenait des photos de tout ce qu’il voyait.
Ils étaient à bord du célèbre train Orient-Express, qui, de Londres à Constantinople, allait les amener de la Grande-Bretagne à la Turquie.
De là, ils devaient encore prendre une succession de moyens de transport dont Amy avait perdu le compte, pour se rendre en Égypte. Mis à part la traversée de la Manche entre l’Angleterre et la France, pas de bateau. Car Monsieur Burton était un grand aventurier, mais dès qu’il posait le pied sur un navire, il était malade jusqu’à la fin de la traversée.
Le voyage s’annonçait donc interminable aux yeux d’une petite fille de dix ans en l’an 1922, que la perspective de découvrir l’Orient n’enchantait pas plus que cela. Sa mère se remettait mal d’une bronchite, et avait dû se réfugier chez son père, Lord Huxley. Comme elle avait besoin du calme le plus absolu, il était hors de question que les enfants l’accompagnent.
Graham le grand frère était donc avec les « scouts », un drôle de mouvement de jeunes né quelques années plus tôt. Il se promenait en culottes courtes avec un chapeau et un foulard, en se donnant des noms d’animaux… Il faisait partie de la patrouille des aigles ! Sûrement, ce « scouting » ne durerait pas longtemps.
Ce n’était pas fait pour Amy, qui n’aimait rien tant que sa chambre, ses poupées, ses livres ! Et voilà que, habillée, comme un garçon – avec un pantalon ! – son père l’entraînait au bout du monde. Non, vraiment, ça n’allait pas, elle aurait même préféré aller chez les scouts qu’entreprendre ce voyage.
Son père était presque un inconnu pour elle : il disparaissait pendant des mois, voire des années, pour aller assister de grands archéologues, prenant des photos de tous les vieux trucs qu’ils déterraient.
Elle avait un petit chien, Tommy, qui arrivait toujours à trouver des choses horribles et improbables en fouillant dans le jardin, eh bien, pour elle, les archéologues, c’était pareil : de vieux messieurs qui grattaient la terre, et sortaient des crânes, des couteaux, des poteries, même pas neufs et qui ne servaient à rien, car on n’avait même pas le droit de les utiliser !
Elle se souvenait avec honte de la fois où, sur une fouille en Grèce, elle avait joué à la dinette avec des vases et des assiettes qui avaient, à ce qu’on lui avait dit, plus de deux-mille ans. Elle ne s’était jamais fait autant gronder, et pensait qu’après ça, son papa ne l’emmènerait jamais plus sur une fouille ! Elle s’était trompée…
Elle devait reconnaître que le train était très confortable : de beaux meubles, des tableaux, des lampes avec des abat-jours en tissu plissé, des fauteuils en cuir et des canapés en velours, et la chambre, mon Dieu ! était d’un luxe incroyable. Chaque détail était pensé avec soin, et le personnel était adorable.
– Il faut te couper les cheveux, dit son père. Ne t’inquiète pas, d’ici notre retour, ils repousseront ! – Quoi ? s’écria Amy, qui adorait ses cheveux blonds bouclés. – Là où nous allons, dit son père, il est très compliqué pour les dames et les petites filles de circuler. Tu seras mon fils… ainsi, tu pourras m’accompagner partout, et personne ne t’embêtera !
Amy eut une idée :
– Et comment je vais m’appeler ? Il me faut un nom de garçon, non ?
– Euh… je n’avais pas pensé à ça. Que dis-tu d’Arthur, comme grand-père ?
Amy sourit. Elle avait vu des portraits de grand-père à son âge, à cheval ou à la chasse. Elle avait souvent regretté de ne pas pouvoir vivre le même genre d’aventures. Eh bien, ça y était ! Elle allait pouvoir faire tout ce que font les garçons, et devenir une sorte d’autre jeune Lord Huxley à ses dix ans, à qui elle ressemblait d’ailleurs beaucoup.
Elle laissa son père lui couper les cheveux très courts, puis se regarda dans un miroir. Elle eut un hoquet de surprise : là, dans la glace, elle voyait le portrait craché de son grand-père au même âge, avec ce même petit sourire narquois qui lui faisait remonter juste un côté de la bouche.
– Ça alors ! dit son père. On dirait mon beau-père à ton âge ! C’est saisissant ! Vite, une photo !
Et, avant qu’Amy-Arthur ait pu protester, il empoigna son appareil, donna un tour de manivelle pour remonter la pellicule argentique, et clac ! fit une image.
À travers les vitres du train, dans le miroir, Amy aperçut les minarets d’une mosquée, et la vieille ville de Constantinople qui s’accrochait à une colline baignée par les eaux du Bosphore. Elle eut le sentiment que sa vie avait basculé, sans savoir dire vers quoi.
https://lecheminversnoel.fr/episode-1-amy-londres-constantinople/ |
| | | Azur
Nombre de messages : 166 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 02/02/2019
| Sujet: Re: Le chemin vers Noël: contes de l’Avent Mar 24 Déc - 17:18 | |
| Episode 2 : Amy et la caravane
Ça va Arthur ?
Amy mit quelques secondes à comprendre qu’on s’adressait à elle. Elle tentait de ne pas tomber du chameau, cramponnée au garçon qui le conduisait, Hussein, qui avait le même âge qu’elle. Le jeune Égyptien accompagnait souvent des expéditions, et parlait anglais, ce qui était bien pratique. Elle finit par crier pour couvrir le bruit du vent :
– Oui, ça va ! Mais j’aimerais bien que la tempête de sable s’arrête !
Hussein rit en entendant cette remarque et répondit :
– Inch’Allah, ça devrait se terminer bientôt !
Amy ne répondit rien. Avec Hussein, tout dépendait de la volonté de Dieu. Il semblait accepter les choses comme elles venaient. Elle, au contraire, aimait bien commander aux choses, voire aux gens… Elle avait fait tourner son frère en bourrique plus d’une fois à cause de ses caprices. Mais à quoi servirait-il de faire la tête aux vents du désert ?
Heureusement, c’était la dernière partie du voyage. Encore quelques heures sur cette bestiole inconfortable et malodorante, et ils seraient au campement, dans la Vallée des Rois. Là, son père assisterait un archéologue à la mauvaise réputation, Howard Carter. Il avait paraît-il mis dehors de riches touristes qui menaçaient de piétiner des fouilles, et il avait été licencié de la compagnie qui l’employait à cause de cela. Tous les archéologues avaient besoin de riches mécènes pour financer leurs recherches. En échange, ces derniers venaient sur les lieux de fouilles, se faisaient prendre en photo ou même, faisaient la fête… quitte à abimer les lieux ! Mais Howard Carter était bien trop respectueux de l’histoire et de ses trésors pour autoriser de tels débordements.
Il avait rencontré récemment un Lord fortuné qui finançait des fouilles depuis dix ans sans rien trouver, un peu partout en Égypte, et qui avait décidé de l’embaucher malgré sa mauvaise réputation… Voilà le genre d’attelage que son père rejoignait, un archéologue trop strict, avec un mécène malchanceux ! Que pouvaient donc espérer ces gens ? Il entraînait en plus Am… Arthur dans son sillage.
– Oh oh, mauvaise nouvelle, cria Hussein.
Amy eut peur, d’un seul coup. Qu’est-ce qui pouvait bien inquiéter Hussein ? La réponse vint, qui la terrifia :
– On est perdus !
Amy écarquilla les yeux. Elle ne voyait plus les autres chameaux, et le seul bruit qui lui parvenait était celui de la tempête. Le monde était un mur de sable qui se jetait sur eux en hurlant, leur piquant le visage et les mains comme des millions d’aiguilles. Elle avait trop chaud, horriblement soif, et eut juste le temps d’appeler :
– Hussein !
Puis, elle s’évanouit.
***
– Arthur ! Arthur !
Amy gémit. Ses lèvres étaient en carton, ses yeux piqués d’aiguilles, sa gorge sèche comme… comme quoi ? Elle ne trouva pas d’image. Elle sentit qu’un liquide sucré coulait dans sa gorge, et but avec avidité.
– Doucement, Arthur, c’est de l’eau au miel, ça va aller !
Elle ouvrit les yeux. Hussein était penché au-dessus d’elle, et la faisait boire en pressant doucement un tissu imbibé d’eau au miel. Il sourit et dit :
– Eh bien ! Tu m’as fait peur ! – On est où ? Demanda Amy. Papa nous a retrouvés ? – Non, répondit Hussein, mais des étrangers de passage nous ont pris dans leur caravane. Ils disent qu’ils vont vers Jérusalem, mais je ne suis pas sûr d’avoir compris. On n’était pas si loin au nord !
Amy s’ébroua et parvint à s’asseoir, puis à se lever. Elle faillit tomber, mais Hussein la retint fermement par le bras. Elle eut alors une vision claire du campement dans lequel ils avaient trouvé refuge.
Pas très loin, trois hommes richement vêtus parlaient avec animation autour d’un feu. Ils observaient les étoiles à l’aide d’une sorte de lunette, et consultaient des cartes du ciel. L’un d’eux montra le ciel, et Amy aperçut, haute sur l’horizon, une sorte de comète qui brillait bien plus fort que les milliards d’étoiles qui piquetaient la nuit. C’était vrai que, dans le désert, la nuit étoilée était bien plus belle que partout ailleurs, mais cette étoile-là avait quelque chose de fabuleux.
Amy regarda de nouveau les hommes : l’un était Africain, l’autre Arabe, le troisième Asiatique. Ses yeux passèrent des hommes à l’étoile, et de l’étoile aux hommes, puis elle eut une sorte de hoquet et Hussein lui demanda :
– Ça va ? – Oh mon Dieu, dit Amy, Hussein, ce n’est pas à Jérusalem qu’ils doivent aller, mais à Bethléem… Oh, Hussein, qu’est-ce qui nous est arrivé ?
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